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Avril 2021



 


Voyage au royaume de Candavia



 
        
        



Nodier, dans la
Description raisonnée d’une jolie collection de livres — sa propre collection — parue chez J. Techener en 1844, avait signalé (n° 946) le petit ouvrage (46 pages in-16) suivant : « RELATIONS du royaume de CANDAVIA envoyées à madame la comtesse de ***,  imprimées à Jovial, chez Staket [Stucket] le Goguenard, rue des Ficores [Fièvres] chaudes, à l’enseigne des rêves. Paris, Jacques Josse, in-12, mar[oquin] rouge, janséniste.
Voici le début du texte :


« Nous partîmes le 15 des réchauds de l’année climatérique, pour arriver dans la province du Dexa. Nous prîmes une litière. Les litières de ce pays ne sont autre chose que des étuis à peigne de faïence, tirés par trois chats-huants et un poireau. Nous rencontrâmes un navire, porteur d’une cargaison de tambours de basque, d’amidon gris pommelé, et de castagnettes de verre battu à froid. Nous passâmes devant le promontoire des manches à balai : on le nomme ainsi parce qu’un turbot et deux truites, ayant pris la résolution de quitter le monde, se retirèrent dans cet endroit, s’occupant à filer des pierres à fusil. Le roi de Candavia est fait comme un etc. : il a un œil sur chaque épaule et trois cors aux pieds sur la langue ; les rideaux de son lit sont faits de neige fondue au soleil, et on lui sert, à chacun de ses repas, un plat de béquilles bouillies. La reine a la tête en flageolet cassé, et les mains en chapon gelé ; pour chaussures, des bas de cire d’Espagne. Sa robe est de paille d’avoine avec des agréments de plâtre ; elle porte, sur une perruque de groseilles blanche, une couronne d’ébène bleue, fermée à deux crochets de langues de scorpions, bouts-rimés, surmontés de culs d’artichauts avec un ruban de fer-blanc à triples blondes. Sa Majesté fit des cadeaux à plusieurs de ses courtisans. A l’un elle donna un cochon de lait de fruit de Raguse, qui parlait dix-sept sortes de langues sans savoir ce qu'il disait ; à un autre, une puce danoise qui jouait de la flûte traversière à livre ouvert. Celui-ci reçut le miroir de toilette de la mère nourrice de Rémus et de Romulus, doublé du mois d’avril ; et celui-là, un carrosse de points à l’aiguille, attelé de deux poules d’eau. Quatre grives à l’étuvée, attelées à un entonnoir de cresson, nous conduisirent ensuite à la capitale d’une autre province. Les habitants sont vêtus d’étoffe faite avec des soupirs de bouleau de vermeil, et leurs maisons sont bâties d’appeaux pour attraper des cailles de bois de cèdre. On nous montra un chariot de gomme arabique, dans lequel la reine prend souvent le plaisir de la chasse aux escargots, lorsqu’ils savent leurs syllogismes. »


Nodier commentait : « Ce livre imprimé en 1715, comme on le voit par le privilége [privilège], paroît être le prototype d'un jargon fort singulier et fort extravagant dont on a jusqu'ici attribué l'invention à Vadé, et que certains mystificateurs des premières années de notre siècle avoient remis en vogue. C'est une langue factice, dont le secret consiste à former des phrases composées de mots étonnés d'être ensemble, et qui ne présentent aucune espèce de sens imaginable, quoiqu'elles semblent se rapporter à un sens suivi et continu. Les deux plaidoyers de Rabelais peuvent en donner quelque idée. On appeloit cela le bagou. Les Relations de Candavia sont un ouvrage tout à fait inconnu de Barbier et des autres bibliographes que j'ai pu consulter. C'est un petit volume FORT RARE et des plus extraordinaires que présente la nombreuse classe des Facéties. »
Précisons que « les deux plaidoyers de Rabelais » se trouvent dans Pantagruel aux chapitres X (« Comment les seigneurs de Baisecul et Humevesne plaidoient devant Pantagruel sans advocat ») et XII (« Comment le seigneur de Humevesne plaidoie devant Pantagruel »), Pantagruel devant dire le quel est le meilleur plaidoyer, celui du seigneur de Baisecul ou celui du seigneur de Humevesne (nom formé avec le verbe humer signifiant boire et le substantif vesse, le pet).
Gustave Brunet, bien connu pour sa Bibliothèque bibliophilo-facétieuse en 3 volumes (1852-1856), donnera au chapitre « Notes sur quelques livres facétieux » de ses Fantaisies bibliographiques (Paris, Jules Gay, 1864, réimprimé en 1970, Genève, Slatkine Reprints), page 90, le début du texte des Relations du royaume de Candavia.
Une nouvelle édition des Relations du royaume de Candavia parut en 1731 (Paris, Louis de Heuqueville), revue et augmentée par l’auteur, 51 pages in-12.

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