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R E Q U E S T E
DU
SIEUR POLICHINELLE
à Messieurs
DE l’ACADÉMIE FRANÇAISE.
1732.
POLICHINELLE si
vanté
Dans
le Préau & dans la Foire,
Lieux
où tout célébre sa gloire,
Où
ses lazzis divertissans
Font
rire les honnêtes gens,
Qui
du Lundi font le Dimanche,
Et
dont pour le jeu le goût panche :
Disant
que les Comédiens
Qui
dans l’État sont de vrais riens,
Ayant,
malgré leur ignorance
Qu’égale
leur vaine arrogance,
Été
reçus dans ce grand Corps
Qui
du langage a les trésors,
Décide
des belles pensées,
Et
juge les têtes sensées
Au
tribunal du grand, du beau,
Et
produit toujours du nouveau ;
Il
est juste qu’il ait sa place
Sur
ce respectable Parnasse,
Attendu
que, comme Farceur,
Il
peut prétendre au même honneur.
Offre
pour ce Polichinelle,
Qui
veut en tout prouver son zéle
Au
Corps Académicien,
Les
bonnes places dans le sien,
Promet
de le faire bien rire,
Et
même parfois de l’instruire ;
Les
brodequins et les sabots
Ayant
pour ce des droits égaux.
Messeigneurs
de l’Académie,
Plaçant
dans votre Académie
Polichinelle
et ses
Acteurs,
Vous
deviendrez ses protecteurs
Avec
vous il deviendra souple,
Vous
& lui ne ferez qu’un couple,
Au
lieu que ces Héros Faquins,
Du
parterre vils baladins,
Qui
font corps dans votre assemblée,
Prétendroient
l’emporter d’emblée,
Et se
croyant les Rois qu’ils font
Sur
vous avant peu primeront.
Quelle
honte pour la Noblesse
D’admettre
à son rang la bassesse !
Quelle
honte pour des Prélats,
D’avoir
avec eux des pieds-plats
Qu’eux-mêmes
ils excommunient,
Et
que les Fidèles renient
Comme
inobservateurs des Loix,
Dont
l’Église soutient les droits,
Et
qui pleins de l’esprit des autres,
Enverront vos avis aux piautres,
Et
décideront hardiment
Comme
l’Auteur le plus sçavant !
Mais
pour le Sieur Polichinelle
Il
sera toujours plein de zéle,
Et,
comme inférieur à tout,
Au
bon sens soumettra son goût,
Loin
d’imiter tel personnage
Qui,
comme certain Geay peu sage,
Prit
les plumes de plusieurs Paons
Voulant
briller à leurs dépens :
Polichinelle, sans prétendre
Au
rang que chez vous veulent prendre
Les
Comédiens suffisans,
Ne
demande que les bas blancs,
Se
reconnaissant pour externe
Dans
ce Corps que tout Paris berne,
Depuis
qu’il a pris pour égaux
Les Dufresnes & les
Quinaults,
Qui
sur une simple selette
L’œil
baissé, la bouche muette,
Devant
vous devroient être mis,
Comme
devant Juges commis
Pour
corriger leur ignorance
Et
réprimer leur insolence.
Ce
consideré, sans tarder
Il
vous plaise de l’installer,
Ou
de renvoyer ses Confreres
Qui,
peu propres à vos mystères,
Deshonoreront
votre emploi
Que
protège un auguste Roi.
Ce
faisant, vous ferez justice,
Vous
empêcherez qu’on agisse,
En
faisant courir des Brevets
Qui
pour vous exprès seroient faits
Sans
faute, & ce dans la huitaine,
À
compter de cette semaine.
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Mémoires pour servir à l’Histoire de la
Calotte,
première édition,
cinquième partie,
Aux États
calotins, de l’Imprimerie calotine, 1754, page 141.
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