Éditions PLEIN CHANT
Apostilles



Ainsi parlaient autrefois
les précieuses (entre elles), les mauvais garçons (entre eux)
et MM. Toutlemonde


Le grand œuvre de Somaize (Antoine Baudeau sieur de) est Le Grand Dictionnaire des pretieuses, Historique, Poetique, Geographique, Cosmographique, Cronologique, & Armoirique : où l’on verra leur Antiquité, Coustumes, Devises, Eloges… Paris, Jean Ribou, 1661. À la Bibliothèque elzévirienne, Charles-Louis Livet donna en 1856 une  nouvelle édition de ce dictionnaire : Le Dictionnaire des Précieuses, par le sieur de Somaize, Paris, Chez Pierre Jannet, Libraire, en le faisant précéder d'une parution antérieure :  Le Grand Dictionnaire des Pretieuses, ou la clef de la langue des ruelles, 1660 où l'on trouve entre bien d'autres les quelques mots suivants, tous jugés imprononçables au point d'être remplacés par d'exubérantes métaphores.




CUL. Le cul : Le rusé inférieur.

CHIEN. Vostre chien fait son ordure : Vostre chien s’ouvre furieusement.

CHIEN. La terrible chose de voir un chien qui pisse ! La terrible chose de voir un chien nû !

EAU. Un verre d’eau : Un bain intérieur.

FENESTRE. Une fenestre : La porte du jour.

FORÊT. Une forest : Un agrément rustique.

K. Les Prétieuses, qui ne veulent pas que l’on connoisse rien à leurs K, l’ont osté de leur alphabet.
Un LAVEMENT : un agrement, ou le bouillon des deux sœurs.

L’ONGLE : le plaisir innocent de la chair.

LANGUE : l’interprete de l’ame, ou la friponne.

MAIN. Une belle main : une belle mouvante.

Les PIEDS : les chers souffrants.

Le POT DE CHAMBRE : l’urinal virginal.

RUDES. Ces mots-là sont tout à fait rudes à l’oreille : une oreille un peu delicate patit furieusement d’entendre prononcer ces mots-là.

les TETONS : les coussinets de l’amour.



Voici maintenant quelques mots d’argot choisis dans Le Vice puni ou Cartouche, Paris, s.n.a. mais écrit par Nicolas Racot de Grandval (1676-1753). Le texte – des alexandrins de forme classique parsemés de vers ou de fragments de vers empruntés à de nombreux auteurs et signalés par l'italique, est précédé d’une annonce de l’auteur au lecteur : « Lecteur benevole ou malevole, je te permets de dire pis que pendre de mon livre, selon l’honnête coutume de ceux qui lisent. La grace que je te demande, c’est de l’acheter promptement […] Quoique les termes d’Argot répandus dans le Poëme, soient expliqués par des Notes au bas des pages, j’ai mis à la fin de ce livre une espèce de Dictionnaire qui pourra satisfaire ta curiosité sur tous les autres mots dont je ne me suis pas servi. »
De ce dictionnaire on a extrait quelques substantifs, dont on remarquera la brièveté, opposée au culte de l'expansion pratiqué par les précieuses.



le Cul. Proye.

Dame. Rupine.

Fenêtre. Luisante.

Habiller. Frusquiner.

Jambes. Guibons.

Laine. Molanche.

Livre. Babillard.

Lit. Piau.

la Main. la Louche.

Manteau. Tabar, Tabarin.

Menteur. Craquelin.

Merde. Mousse.

Pieds. Paturons.

la Queuë. Frétillante.

Souliers. Passans, Passifs.



Le cul, dont il a été question dans les deux listes précédentes, étant appelé à voisiner au cours de querelles brutales avec le pied, on s'est limité à ces deux mots, tels qu'ils sont présents dans le Dictionnaire comique, satyrique, critique, burlesque, libre et proverbial... par Philibert-Joseph Le Roux, dont la première édition date de 1718, Amsterdam. L'édition ici utilisée, dite corrigée & considérablement augmentée, parut sous la rubrique A Pampelune, 1786.

Il est à cul. C’est-à-dire, il est ruiné sans ressource.
Il s’est levé le cul devant, le cul le premier. Se dit de celui qui paraît plus chagrin, plus grondeur qu’à l’ordinaire.

Baiser le cul de la vieille. Maniere de parler usitée à Paris, se dit ordinairement au jeu, & signifie ne faire pas un seul point, perdre sans avoir pu gagner ni prendre un point.

Faire une chose à écorche cul. C’est figurément, la faire à regret, & en rechignant.

Il est déferré des quatre pieds. Se dit, quand il a été si bien repoussé & contredit, qu’il ne sait plus que dire ni que faire.

Lorsqu’on attend une chose promise qui ne vient point, on dit qu’elle n’a point de pieds.

On dit d’une personne gaie qu’elle a toujours un pied en l’air.

On appelle un pendu, un Evêque des champs, qui donne la bénédiction avec les pieds.



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