Éditions PLEIN CHANT
Apostilles





Albert Lacroix.
Bois de P. Lissac.


On trouvera Les Réfractaires, par Jules Vallès
aux éditions Plein Chant,
dans la collection « Gens singuliers ».





L'éditeur Albert Lacroix

vu par

Jean R I C H E P I N

Jean Richepin fit paraître dans la revue Demain, publiée sous la direction de Raymond Escholier, éditée par J. Ferenczi et Fils, imprimée sur papier de luxe, plusieurs articles sur le thème général "Toutes mes vies". Ci-contre, on peut voir le n° 9, paru en décembre 1924 où paraissait Poètes et Bohèmes. Au numéro 16 (juillet 1925), paraissait Copains et Copines, qui se terminait par quelques souvenirs sur Albert Lacroix, le fondateur à Paris, 13, faubourg Montmartre, de la Librairie internationale, sous la raison sociale A. Lacroix Verboeckhoven et Cie, avec maisons à Bruxelles, Leipzig et Livourne. On rappelle : Albert Lacroix est né à Bruxelles en 1834 et mort à La Perrière, en Savoie, le 29 septembre 1903.




Albert Lacroix, chargé de recevoir les auteurs, décrit par Jean Richepin : « il avait une grande activité comme il arrive souvent aux gens de petite taille, une activité trépidante et fiévreuse. Sous son front, comme dans une serre surchauffée, les projets ne cessaient de germer et de fleurir. Il entreprenait beaucoup trop de choses, et trop vastes pour réussir bien réellement en aucune et, cependant, il avait assez de belles imaginations, parfois, pour obtenir succès et fortune s’il avait eu tant soit peu de chances ; mais celle-ci n’était jamais au rendez-vous ».
De Richepin, Albert Lacroix avait publié au début de 1872, peu après la Commune, une plaquette de 95 pages : Les étapes d’un réfractaire. Jules Vallès (une biographie parue d'abord en feuilleton dans La Vérité, à partir du 12 juillet 1871), avec une eau-forte par André Gill, des illustrations par Hector Leroux, Daniel Vierge, Kauffmann, et il pensait  utiliser le talent littéraire de Richepin. Parmi ses rêves grandioses, l'édition d'un roman d'aventures en dix volumes, intitulé Babel, qui mettrait en scène les classes de la société contemporaine, avec des personnages passant d'un milieu à l'autre, comme dans Les Mystères de Paris. Richepin, sagement – dit-il –, refusa d'édifier la tour de Babel en papier. Il aurait dû inaugurer la série sur les femmes, Les Grandes Amoureuses, avec Sapphô. Auraient suivi Madame Roland par Alphonse Daudet, Messaline par Catulle Mendès, Ysabeau de Bavière par  Villiers de l’Isle-Adam, La femme de Putiphar par Judith Gautier, d’autres encore, auteurs célèbres et débutants mélangés. Lui-même, Lacroix donnerait une Eve et la liste se serait provisoirement terminée avec Théroigne de Méricourt, par Clovis Hugues. Provisoirement, car on aurait eu ensuite les reines, les maîtresses royales, les actrices, les courtisanes, « à travers toutes les époques et dans tous les pays. / Chaque biographie formera un petit volume de luxe, grand in-18 jésus, sur papier vergé, avec gravures, eau-forte ou héliogravure, tirées en couleur hors texte, sous couverture parcheminée, au prix de 2 francs ».
Les plaquettes, immmédiatement annoncées, ne parurent pas chez Lacroix et jamais sous la forme voulue par Albert Lacroix. La collection des Grandes Amoureuses passera chez Marpon et Flammarion, ce qui donnait en guise d'adresse d'éditeur la mention : C. Marpon et E. Flammarion, Libraires. A. Lacroix, Éditeur. Albert Lacroix s'en était expliqué dans une lettre à J. Richepin, 8 septembre 1892, publiée dans Demain : « Vous connaissez les tristes et terribles ennuis qui m’ont assailli, et comment le Crédit Foncier a consommé brutalement ma ruine. (…) J’ai beaucoup de propriétés littéraires, de manuscrits payés depuis vingt ans (…) il faut que je songe à en tirer parti ; c’est ce que je fais. J’ai cédé à Flammarion une édition in-18 de vos onze biographies de femmes pour en former un volume ». Sapphô parut donc en 1884 chez Marpon et Flammarion, avec un ancien avant-propos d'Albert Lacroix qui, tout content et ne pouvant prévoir l'avenir, énumérait les nombreux titres à suivre. Sophie Monnier, maîtresse de Mirabeau parut également en 1884, chez Marpon et Flammarion, le dixième de la série, mais les autres manuscrits de Richepin écrits pour Albert Lacroix furent rassemblés et publiés en volume chez G. Charpentier et E. Fasquelle, en 1896 : Grandes amoureuses. Dalila, Judith, la belle Hélène, Sappho, Laïs, Phryné, Poppée, Baudvilde, Vittoria Colonna, la Périne, Sophie Monnier.
En 1892, Albert Lacroix avait lancé, avec Albert Daudy, Le Magazine français illustré, sur le modèle de la revue américaine Harper’s monthly magazine. Étaient annoncés, en dessinateurs, Auriol, Lunel, Pille, Louis Legrand, d’autres encore ; des écrivains, Michelet, Ernest Legouvé, etc. ; des poètes, Richepin, Armand Silvestre, Villiers de l’Isle-Adam, Verlaine, etc. ; des morceaux de musique gravés. On y trouvait des études sur des littérateurs, sur des peintres, illustrées de dessins ou de reproductions de tableaux.
Albert Lacroix fut-il visionnaire ? Richepin le croyait, qui le jugeait, à l'occasion du Magazine français illustré, « venu trop tôt dans un monde où il n’y avait pas suffisamment de lecteurs pour faire vivre ce genre de publications qui, aujourd’hui [en 1924], sous le nom de Lectures pour tous ou de Je sais tout, obtiennent un si grand succès. » Faudrait-il faire de ce jugement occasionnel un caractère général d'Albert Lacroix ? Richepin le sous-entend.

Accueil | Archives d'Apostilles