Éditions PLEIN CHANT
Apostilles


   On peut lire, réimprimée par Plein Chant en 1993, une Lettre inédite de Philothée O'Neddy… (Bassac, Plein Chant, Imprimeur-éditeur de la petite Librairie du XIXe siècle), la réimpression de l'édition de P. Rouquette, Paris 1875, qui donnait une lettre de Philothée O'Neddy adressée à Charles Asselineau, datée du 23 septembre 1862, par laquelle le scripteur commentait, le rectifiant à l'occasion, un article à lui consacré par le destinataire. Plein Chant a également imprimé en 2011, pour la Bibliothèque frénétique de la Libraire Jérôme Doucet : Philothée O'Neddy (Théophile Dondey), Miranda ou les Harpes fées, suivi du Cul-de-jatte (non commercialisé).

  

La lecture du catalogue bibliographique, publié à l'occasion d'une journée consacrée à Philothée O'Neddy le 15 octobre 2011, à la bibliothèque de l'Arsenal (Librairie Jérôme Doucet, Catalogue n°1), nous a donné mille informations sur ce poète romantique mal connu, en particulier une liste de ses pseudonymes et titres inventés. Avec Variations sur un nom, ci-dessous, on a tenté de préciser la chose.



   


Variations sur un nom


     

Auguste-Marie Dondey, né en 1811 et mort, paralytique, en 1875, n’a cessé de jouer avec son nom. Son premier recueil de poésies, Feu et Flamme – un titre flamboyant qui revivifiait une formule toute faite – parut à demi par complaisance à la Librairie orientale de Dondey-Dupré, propriété de l’oncle Prosper Dondey-Dupré et de son fils ; tous deux haïssaient le romantisme, si bien qu’ils tirèrent l’ouvrage à 300 exemplaires seulement, et après avoir demandé une contribution financière à l’auteur. En 1833, donc, les contemporains pouvaient lire, mais peu en éprouvèrent l’envie, Feu et Flamme, par Philothée O’Neddy. Le prénom Philothée cachait son inverse, Théophile, un prénom que s’était choisi l’auteur pour effacer à jamais Auguste-Marie ; O’Neddy, un nom peut-être inspiré par celui d’Ossian, sous lequel James Mac Pherson (1736-1796) avait publié des poèmes, à la mode sous l'Empire et la Restauration, était l’anagramme de Dondey. Le cycle des anagrammes était enclenché, suivront une multiplicité de noms artificiels, reconstruits, suivis d’un qualificatif – des signatures cryptiques plutôt que des pseudonymes, que l’on apprend à connaître grâce à la publication posthume des textes, prose ou vers, d’Auguste-Marie Dondey par son ami, Ernest Havet, à qui il avait confié ses manuscrits, pas toujours datés, en 1872.

   Noms d’auteur choisis par Auguste-Marie Dondey.  
Entre parenthèses, le titre de l’ouvrage.


1833. Philothée O’Neddy (Feu et Flamme).

Entre 1834 et 1846. Le vieux Philothée O’Neddy, vidame de Thyannes, ancien auteur de Feu et Flamme (Mistica Biblion ou les Carmes de la seconde et de la troisième jeunesse du vieux…)

Entre 1838 et 1846. Le Vidame de Tyannes [sans h] (premier état, Les Tablettes amoureuses du vidame de T…, rapsodies de Tyannes). Au deuxième tome de l’édition des Œuvres complètes de Philothée O’Neddy-Théophile Dondey, Slatkine reprints, Genève, 1968, reprise de Poésies posthumes de Philothée O’Neddy (Théophile Dondey), Paris, G. Charpentier, 1877, « T… » est écrit (p. 245) en toutes lettres. L’anagramme de Santeny, Tyannes, tombait bien, puisque Havet put signaler qu’il fallait voir dans la signature cryptique une allusion à Apollonius de Tyane, un néopythagoricien grec (0004? av. J.-C.-0097?), qui devait plaire à Auguste-Marie Dondey.

1842. T. Dondey de Santeny (Histoire d’un anneau enchanté, roman de chevalerie). L’initiale du prénom, Théophile, est seule inventée ; de Santeny était un surnom de famille, porté déjà par le père d’Auguste-Marie D., pour se distinguer de son frère, Prosper, qui avait choisi, pour sa part, de se faire appeler Dondey-Dupré.

1857. Deux signatures cryptiques, presque trois, pour le même ouvrage resté longtemps manuscrit, Miranda, ou les Harpes fées, poëme dramatique en trois actes et en vers. Le premier état de Miranda était annoncé : par le vidame O’Neddy de Tyannes. Dondey recopia ce manuscrit, ajoutant la mention « Recopié sur le manuscrit original, en l’an de disgrâce 1857, par le Citoyen Dondey, secrétaire intime du noble Vidame ». Un quasi troisième nom fabriqué apparut, car il ajouta, en 1857, avant le nom O’Neddy du vidame de Tyannes : Philotheus Ottavio Marius – Philotheus pour Théophile, Ottavio pour Auguste, Marius (selon Ernest Havet, ce serait une allusion au Marius des Misérables) pour Marie. Au deuxième tome des Œuvres complètes (Slatkine reprints, p. 285), cela donne : Miranda, ou les Harpes fées, poëme dramatique en trois actes et en vers, par le vidame Philotheus Octavio [coquille pour Ottavio, signalée dans l’errata] Marius O’Neddy de Tyannes. En petits caractères et sous le titre : « Copié sur le manuscrit original, en l’an de disgrâce 1857, par le citoyen Dondey, secrétaire intime du noble vidame ».

Signatures de textes posthumes non datés

Auguste-Marie Dondey de Santeny, docteur Gallican (Velléités philosophiques)

l’auteur de Feu et Flamme (Les Visions d’un mort-vivant, poëme par…)

l’abbé D*** de S***, ancien journaliste (Addition aux vieilles rimes dudit chevalier [Les Tablettes amoureuses du vidame de Thyannes]. La Lénore de Burger mise en rimes françoises par l’abbé D*** de S***, ancien journaliste)

Le vieux chevalier Gustave de Dony (un cahier de poésies détachées, intitulé Les Vieilles rimes du vieux chevalier Gustave de Dony ; anagramme de : Auguste Dondey).


   La plupart des amis jouent le jeu   

Ernest Havet, lorsqu’il publia une très riche et instructive notice sur Dondey l’intitula Notice sur Philothée O’Neddy, gardant le nom et le prénom sous lesquels Auguste-Marie Dondey était connu du public – un public restreint, répétons-le, un public malgré tout.
Nerval, lorsqu’il publia dans La Silhouette (7 janvier 1849) « Vers l’Orient », une introduction au Voyage d’Orient, dédia le texte « À Timothée O’Neddy », où Timothée est une variante de Théophile et de Philothée ; l’amour signifié par le mot grec philos (celui qui aime), Dieu en l’occurrence, est remplacé par l’estime, ou la considération, signifiée par timos. Pourquoi Timothée, si l’on met à part la ressemblance pour l’oreille des prénoms ? Le nom, devenu plus tard prénom, était celui du patriarche de l'Église assyro-chaldéenne ou Église apostolique d'Orient, Timothée, mort en 823 après J.-C., un nom tout indiqué pour le dédicataire de la relation d’un voyage en Orient. Puis, dans l’édition définitive du Voyage en Orient, Timothée O’Neddy disparut, et on lut : « À un ami ».

Valery Larbaud, en revanche, que l’on peut tenir pour un « ami » d’Auguste-Marie Dondey dans la mesure où il admirait ses productions, présentait Philothée O'Neddy sous son nom officiel, mais en lui gardant le prénom attribué, Théophile lorsqu'il publia un article sur lui dans deux numéros de la Revue de Paris, repris ensuite sous forme d'une plaquette publiée à Tunis en 1935, intitulée Théophile Dondey de Santeny (1811-1875), éditée par les Cahiers de Barbarie dirigés par un poète vivant en Tunisie, Armand Guibert, fondateur malheureux de la revue Mirages. Le texte sera repris dans Ce vice impuni, la lecture. Domaine français (Gallimard, 1941, p. 176 et suiv.).


   Et la postérité ?   

Dondey pressentait qu’il ne serait pas reconnu par la postérité. Dans la préface en vers du roman L’Histoire d’un anneau enchanté, roman de chevalerie, il avait écrit spontanément :
J’ai voulu j’ai tâché qu’une idéale flamme
Pénétrât dans ce conte et lui fît comme une âme.
Petit livre, à quoi bon tout ce bruit et ce feu ?
Pourquoi tant marchander ta vie, ô petit livre ?
Lorsque je sais, hélas ! que tu vivras si peu !

Cependant, lorsque le roman parut avec sa préface, en 1842, sous forme d’une plaquette de 46 pages (Paris, Boulé et Cie), Dondey prit soin de supprimer un long passage auquel appartenaient ces vers, preuve qu’il espérait malgré tout. En donnant ses manuscrits à Ernest Havet, il montrait son désir de les voir paraître en librairie, après sa mort. Sachant que les historiens de la littérature chercheraient son nom à l’état-civil, quand il se cita lui-même en épigraphe, dans la Nuit Septième, « Dandysme », (« Mon ange, à ton piano si tu voulais t’asseoir ?… », Feu et Flamme, 1833, p. 61), et dans le Fragment troisième de Mosaïque, « Fanatisme » (« À la rage il adore, / Républicain naïf, les romaines vertus : / Il se donne les airs et le ton d’un Brutus », ibid., p. 121) il signa de son presque vrai nom, Théophile Dondey, quoique pour ses contemporains, le nom dût apparaître ou comme un pseudonyme, ou comme le nom d’un inconnu – ce que fut, en effet, Dondey de son vivant, mais il voulait croire qu’il serait estimé à sa juste valeur après sa mort ; cela s’appelle la gloire, et il croyait à la Gloire (littéraire).


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