Avoir
par deux jours navigé, s’offrit à
nostre veuë l’Isle d’Odes, en
laquelle vismes une chose memorable.
Les chemins y sont animaux, si vraye
est la sentence d’Aristoteles,
disant argument invincible d’un
animant, si se meut de soy-mesme.
Car les chemins cheminent comme
animaux. Et sont les uns chemins
errans, à la semblance des
planetes : autres chemins
passans, chemins croisans, chemins
traversans.
(« Comment nous
descendismes en l’Isle d’Odes, en
laquelle les chemins
cheminent », Cinquiesme livre,
ch. XXV.)
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Le
titre de Remy de Gourmont, Le
Chemin de velours (1902)
fut par lui emprunté au refrain
d’une Ballade sur
Escobar par La
Fontaine, qui se moquait du
jésuite espagnol (1589-1669) et de
la casuistique. Ayant commencé par
circuler manuscrite à partir de
1664, environ, elle fut trouvée
dans les papiers de Tallemant des
Réaux, tandis qu’Antoine-Alexandre
Barbier (l’auteur du Dictionnaire
des
ouvrages anonymes)
l’avait découverte dans un recueil
de pièces sur le jansénisme. Elle
sera ensuite intégrée aux œuvres
complètes de La Fontaine publiées
par Charles Marty-Laveaux dans la
Bibliothèque elzévirienne (Paul
Daffis, 1863-1877). De la Ballade,
publiée au tome V, p. 55, on
extrait la première strophe, où
l’évêque d’Ypre désigne Jansénius,
à qui renvoie également le
« chemin
pierreux » :
C'est à bon
droit que l'on condamne à
Rome
L’Evêque
d'Ypre, auteur de vains
débats ;
Ses
sectateurs nous défendent en
somme
Tous les
plaisirs que l'on goûte
ici-bas.
En paradis
allant au petit pas,
On y
parvient, quoi qu’Arnaud
nous en die ;
La volupté
sans cause il a bannie.
Veut-on
monter sur les célestes
tours,
Chemin
pierreux est grande rêverie,
Escobar
sait un chemin de velours. |
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Ma seconde maxime était d’être le
plus ferme et le plus résolu en mes
actions que je pourrais […] Imitant
en ceci les voyageurs qui, se
trouvant égarés en quelque forêt, ne
doivent pas errer en tournoyant
tantôt d’un côté, tantôt d’un autre,
ni encore moins s’arrêter en une
place, mais marcher toujours le plus
droit qu’ils peuvent vers un même
côté […]
(Discours
de la méthode pour bien conduire sa
raison, 3e
partie)
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Les rivières sont
des chemins qui marchent et qui
portent où l’on veut aller.
(Pascal, Pensées
et opuscules,
édition de Léon Brunschvicg,
Hachette, s.d., p. 327, pensée
17.)
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Après
avoir long-temps vogué sur la mer
pacifique, nous apperçûmes de loin
une isle de sucre avec des montagnes
de compote, des rochers de sucre
candi et de caramelle, et des
rivières de syrop qui coulaient dans
la campagne. Les habitants, qui
estoient fort friands, léchoient
tous les chemins, et suçoient leurs
doigts après les avoir trempés dans
les fleuves.
(Fénelon. Œuvres de M. François
de Salignac de la Mothe Fénélon,
De l’imprimerie de Fr.-A. Didot,
1787, t. IV, p. 502, Fable XIV,
« Voyage dans l’isle des
Plaisirs ».)
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« Pour lui
[Balzac], se perdre dans son
chemin, n’arriver jamais, ou bien
arriver si tard, que la route
parcourue devenait inutile,
c’était le comble de l’art. »
(Jules
Janin, dans une analyse du
mélodrame de Balzac, Vautrin,
parue au Journal des Débats,
16 mars 1840, définit la création
balzacienne en général.)
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L'Église, tous les
chemins lui sont bons, et elle s'en
vante : Tous les chemins mènent à
Rome.
(« L’opium du
peuple et des autres », Le
Clavecin de Diderot
[1932], Jean-Jacques Pauvert,
1966.)
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Julien Gracq
: Carnets du grand
chemin, José Corti,
1992
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Le chemin qui ne
mène pas à Rome,
Bassac,
Plein Chant, collection « La
tête reposée », 1995.
Dans cet ouvrage,
Marcel Mariën a recueilli de
courts textes, parus
dans divers cahiers publiés à
l'enseigne des « Lèvres
nues », Bruxelles, 1988-1992.
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