Éditions PLEIN CHANT

A p o s t i l l e s

 26 février 2016
Marcel MARIËN
Le chemin qui ne mène pas à Rome
Collection La tête reposée
Bassac, Plein Chant



QUELQUES CHEMINS
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Rivières et fleuves
Sentiers, chemins et routes

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   RABELAIS     

Avoir par deux jours navigé, s’offrit à nostre veuë l’Isle d’Odes, en laquelle vismes une chose memorable. Les chemins y sont animaux, si vraye est la sentence d’Aristoteles, disant argument invincible d’un animant, si se meut de soy-mesme. Car les chemins cheminent comme animaux. Et sont les uns chemins errans, à la semblance des planetes : autres chemins passans, chemins croisans, chemins traversans.
(« Comment nous descendismes en l’Isle d’Odes, en laquelle les chemins cheminent », Cinquiesme livre, ch. XXV.)


   LA FONTAINE     

Le titre de Remy de Gourmont, Le Chemin de velours (1902) fut par lui emprunté au refrain d’une Ballade sur Escobar par La Fontaine, qui se moquait du jésuite espagnol (1589-1669) et de la casuistique. Ayant commencé par circuler manuscrite à partir de 1664, environ, elle fut trouvée dans les papiers de Tallemant des Réaux, tandis qu’Antoine-Alexandre Barbier (l’auteur du Dictionnaire des ouvrages anonymes) l’avait découverte dans un recueil de pièces sur le jansénisme. Elle sera ensuite intégrée aux œuvres complètes de La Fontaine publiées par Charles Marty-Laveaux dans la Bibliothèque elzévirienne (Paul Daffis, 1863-1877). De la Ballade, publiée au tome V, p. 55, on extrait la première strophe, où l’évêque d’Ypre désigne Jansénius, à qui renvoie également le « chemin pierreux » :

C'est à bon droit que l'on condamne à Rome
L’Evêque d'Ypre, auteur de vains débats ;
Ses sectateurs nous défendent en somme
Tous les plaisirs que l'on goûte ici-bas.
En paradis allant au petit pas,
On y parvient, quoi qu’Arnaud nous en die ;
La volupté sans cause il a bannie.
Veut-on monter sur les célestes tours,
Chemin pierreux est grande rêverie,
Escobar sait un chemin de velours.




     DESCARTES     


Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais […] Imitant en ceci les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, ni encore moins s’arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu’ils peuvent vers un même côté […]

(Discours de la méthode pour bien conduire sa raison, 3e partie)


      PASCAL     


Les rivières sont des chemins qui marchent et qui portent où l’on veut aller.
(Pascal, Pensées et opuscules, édition de Léon Brunschvicg, Hachette, s.d., p. 327, pensée 17.)



  FÉNELON   

Après avoir long-temps vogué sur la mer pacifique, nous apperçûmes de loin une isle de sucre avec des montagnes de compote, des rochers de sucre candi et de caramelle, et des rivières de syrop qui coulaient dans la campagne. Les habitants, qui estoient fort friands, léchoient tous les chemins, et suçoient leurs doigts après les avoir trempés dans les fleuves.

(Fénelon. Œuvres de M. François de Salignac de la Mothe Fénélon, De l’imprimerie de Fr.-A. Didot, 1787, t. IV, p. 502, Fable XIV, « Voyage dans l’isle des Plaisirs ».)



      BALZAC     

« Pour lui [Balzac], se perdre dans son chemin, n’arriver jamais, ou bien arriver si tard, que la route parcourue devenait inutile, c’était le comble de l’art. »

(Jules Janin, dans une analyse du mélodrame de Balzac, Vautrin, parue au Journal des Débats, 16 mars 1840, définit la création balzacienne en général.)



    René CREVEL    

L'Église, tous les chemins lui sont bons, et elle s'en vante : Tous les chemins mènent à Rome.

(« L’opium du peuple et des autres », Le Clavecin de Diderot  [1932], Jean-Jacques Pauvert, 1966.)





Julien Gracq :  Carnets du grand chemin,  José Corti, 1992





            Marcel MARIËN             
Un titre    
 


Le chemin qui ne mène pas à Rome,
Bassac, Plein Chant, collection « La tête reposée », 1995.

Dans cet ouvrage, Marcel Mariën a recueilli de courts textes, parus dans divers cahiers publiés à l'enseigne des « Lèvres nues », Bruxelles, 1988-1992.



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