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Les Songes drolatiques de Pantagruel dans la collection Xylographies oubliées BASSAC Plein Chant, Imprimeur-Éditeur |
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V Ceci est la première figuration
de l'excellent frère Jean, ce « père
spirituel de Panurge ». Son costume de moine
moinant l'établit suffisamment, ainsi que le cimeterre
qui traverse sa robe et prouve son tempérament
belliqueux. Il tient sans doute à la main ce fameux
bâton de la croix avec lequel il défendit les vignes
de l'abbaye de Sévillé, « et estrippa treize
mille six cent vingt et deux paillards ». Son nez
bourgeonnant et poilu, hardiment retroussé, épanoui en
forme de trogne, montre quel ivrogne émérite était ce
grand jeune homme d'église, à l'œil émerillonné. Sa
coiffure nous embarrasserait peut-être, si nous
n'avions à citer l'opinion des commentateurs, qui y
voient une jambe et une cuisse de demoiselle – toujours
fraîches, selon
frère Jean. Toutefois cela ne s'accorde pas avec
l'éperon dont le soulier à la poulaine est orné. Le
trait principal de cette figure fait allusion au
passage qui affirme que les moines ont le nez plus
long que le commun des mortels. |
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XVII
CARÊME-PRENANT Voici une figure complexe qui raille assez
bizarrement l'autorité ecclésiastique, et que sa
nudité semble désigner pour Carême-Prenant, qui porte,
selon Rabelais, « rien devant et rien
derrière », si
nous
en exceptons des apanages naturels passablement
étranges et que la pénitence a peu dévastés.
Ce bonhomme, vêtu d'un large pourpoint lacé sur
le devant, est coiffé d'un vaste chapeau dont les
bords abritent ses épaules comme un manteau court. Le
cimier de cette coiffure forme une aiguière dans
laquelle trempe une sorte de goupillon. L'anse de ce
vase simule une élégance arabesque qui supporte un
long rosaire dont l'extrémité panachée touche presque
la terre.
Carême-Prenant porte des gants fourrés et
tient, au bout d'un long bâton, une mule ornée de
trois plumes et d'un talon recourbé, qui ne peut être
que la mule du pape. Il la considère en gambadant et
semble discourir à ce
sujet. On s'explique assez difficilement deux
bourrelets qui parent ses jambes, car il a évidemment les
pieds nus et leurs doigts en forme de griffes.
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XXIII PANTAGRUEL Voici Pantagruel, et d'abondant (sic) François Ier, si nous en
croyons les commentateurs. Cette explication n'est
peut-être pas entièrement satisfaisante, et s'appuie,
principalement sur les éperons de chevalier qui ornent
les bottes du personnage, sur sa triple aigrette, et
surtout sur un bracquemart fantastique, terminé par
une tête de bouc, muselée d'un anneau auquel pend un
riche cordon. Faut-il y yoir une allusion aux mœurs
faciles du roi et à sa
soumission à la
belle Diane, qui le menait, dit-on, – par le
nez ? – Cela peut se soutenir et s'admettre. Les
inclinations guerrières du personnage sont indiquées
par la hallebarde qu'il tient et l'épée qu'il porte en
sautoir. On s'explique peu la fantaisie qui lui a fait
une tête monstrueuse, prenant la place de la poitrine,
et surgissant d'une énorme coque d'œuf brisée qui
enveloppe la partie supérieure du personnage.
« C’estoyt, dit Rabelais, le meilleur petit
« bonhomet qui fut d'icy au bout d'ung
baston. » |
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LXXX
L'OISEAU GOURMANDEUR DE L'ILE SONNANTE Les caractères de cette bizarre figure sont complexes, et si nous adoptons le titre que lui donnent les commentateurs, c'est faute de trouver mieux. Un personnage à long bec d'oiseau, coiffé d'un capuchon en forme de cornet, dont la partie postérieure simule des ailes de surplis ou d'abeille, porte une sorte de crosse ou de crochet à manche ornementé, une épée et une torche incendiaire. Il est vêtu d'un pourpoint lacé et de guêtres ; ses mains sont couvertes de gants. Il marche, en rejetant la torche en arrière, de façon à n'être pas incommodé de sa fumée. Son capuchon est surmonté de deux plumes de commandement, et sa virilité indiscrète s'étale avec impunité. Nous verrions volontiers dans cette gravure un reître, un soldat quelconque de Pantagruel, se préparant à la bataille. Le nez en bec d'oiseau paraît extravagant, d'autant qu'il est percé de trous comme une clarinette. Peut-être a-t-on voulu exprimer la sagacité d'un capitaine qui sent les ennemis de loin. |
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