Éditions PLEIN CHANT

APOSTILLES

  
9 juin 2016

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Les Songes drolatiques de Pantagruel

dans la collection
Xylographies oubliées

BASSAC
Plein Chant, Imprimeur-Éditeur




Quatre Songes drolatiques de Pantagruel
commentés par le Grand Jacques



Nombreuses furent les éditions du recueil Les Songes drolatiques de Pantagruel. Les éditions Plein Chant ont donné, en 1994, une réimpression de l’édition d’Edwin Tross (Paris, 1870). En 1869, les amateurs disposaient d’une édition de ces gravures : Les Songes drolatiques de Pantagruel où sont contenues cent vingt figures de l’invention de Maître François Rabelais copiées en fac-similé par Jules Morel sur l’édition de 1565. Pour la récréation des bons esprits, avec un texte explicatif et des notes par le Grand Jacques (Paris, chez les bons libraires). Elle sera reprise en 1959 par Éric Losfeld (Paris, Le Terrain Vague). Le Grand Jacques, autrement dit Richard Lesclide, avait accompagné chacune des gravures d’un texte explicatif, parfois sujet à contestation. On présente ci-dessous  quatre d’entre elles.

 

V

JEAN DES ENTOMMEURES

Ceci est la première figuration de l'excellent frère Jean, ce « père spirituel de Panurge ». Son costume de moine moinant l'établit suffisamment, ainsi que le cimeterre qui traverse sa robe et prouve son tempérament belliqueux. Il tient sans doute à la main ce fameux bâton de la croix avec lequel il défendit les vignes de l'abbaye de Sévillé, « et estrippa treize mille six cent vingt et deux paillards ». Son nez bourgeonnant et poilu, hardiment retroussé, épanoui en forme de trogne, montre quel ivrogne émérite était ce grand jeune homme d'église, à l'œil émerillonné. Sa coiffure nous embarrasserait peut-être, si nous n'avions à citer l'opinion des commentateurs, qui y voient une jambe et une cuisse de demoiselle – toujours fraîches, selon frère Jean. Toutefois cela ne s'accorde pas avec l'éperon dont le soulier à la poulaine est orné. Le trait principal de cette figure fait allusion au passage qui affirme que les moines ont le nez plus long que le commun des mortels.


 






XVII

CARÊME-PRENANT

Voici une figure complexe qui raille assez bizarrement l'autorité ecclésiastique, et que sa nudité semble désigner pour Carême-Prenant, qui porte, selon Rabelais, « rien devant et rien derrière », si nous en exceptons des apanages naturels passablement étranges et que la pénitence a peu dévastés.
Ce bonhomme, vêtu d'un large pourpoint lacé sur le devant, est coiffé d'un vaste chapeau dont les bords abritent ses épaules comme un manteau court. Le cimier de cette coiffure forme une aiguière dans laquelle trempe une sorte de goupillon. L'anse de ce vase simule une élégance arabesque qui supporte un long rosaire dont l'extrémité panachée touche presque la terre.
Carême-Prenant porte des gants fourrés et tient, au bout d'un long bâton, une mule ornée de trois plumes et d'un talon recourbé, qui ne peut être que la mule du pape. Il la considère en gambadant et semble discourir à ce sujet. On s'explique assez difficilement deux bourrelets qui parent ses jambes, car il a évidemment les pieds nus et leurs doigts en forme de griffes.






XXIII

PANTAGRUEL

Voici Pantagruel, et d'abondant (sic) François Ier, si nous en croyons les commentateurs. Cette explication n'est peut-être pas entièrement satisfaisante, et s'appuie, principalement sur les éperons de chevalier qui ornent les bottes du personnage, sur sa triple aigrette, et surtout sur un bracquemart fantastique, terminé par une tête de bouc, muselée d'un anneau auquel pend un riche cordon. Faut-il y yoir une allusion aux mœurs faciles du roi et à sa soumission à la belle Diane, qui le menait, dit-on, – par le nez ? – Cela peut se soutenir et s'admettre. Les inclinations guerrières du personnage sont indiquées par la hallebarde qu'il tient et l'épée qu'il porte en sautoir. On s'explique peu la fantaisie qui lui a fait une tête monstrueuse, prenant la place de la poitrine, et surgissant d'une énorme coque d'œuf brisée qui enveloppe la partie supérieure du personnage. « C’estoyt, dit Rabelais, le meilleur petit « bonhomet qui fut d'icy au bout d'ung baston. »









LXXX

L'OISEAU GOURMANDEUR
DE L'ILE SONNANTE

Les caractères de cette bizarre figure sont complexes, et si nous adoptons le titre que lui donnent les commentateurs, c'est faute de trouver mieux. Un personnage à long bec d'oiseau, coiffé d'un capuchon en forme de cornet, dont la partie postérieure simule des ailes de surplis ou d'abeille, porte une sorte de crosse ou de crochet à manche ornementé, une épée et une torche incendiaire. Il est vêtu d'un pourpoint lacé et de guêtres ; ses mains sont couvertes de gants. Il marche, en rejetant la torche en arrière, de façon à n'être pas incommodé de sa fumée. Son capuchon est surmonté de deux plumes de commandement, et sa virilité indiscrète s'étale avec impunité. Nous verrions volontiers dans cette gravure un reître, un soldat quelconque de Pantagruel, se préparant à la bataille. Le nez en bec d'oiseau paraît extravagant, d'autant qu'il est percé de trous comme une clarinette. Peut-être a-t-on voulu exprimer la sagacité d'un capitaine qui sent les ennemis de loin.






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