Éditions PLEIN CHANT

APOSTILLES

  5 novembre 2016

Michel Ohl ressemblait assez peu à Balzac mais, comme lui, il aimait jouer avec les mots. On pourra le vérifier en lisant, par exemple,

Le prix du bœuf, Plein Chant, 1996
La main qui écrit, Plein Chant, 2003

L'enterrement
qui frétillait de la queue,
Schéol, Bordeaux, 1994
Presses de Plein Chant
Publié avec le concours des Almanachs Cadavermot  [!]







C A L E M B O U R S
& 

J E U X   D E   M O T S

B A L Z A C I E N S


Si l'on croit Balzac, à Paris, en son temps, tout le monde calembourdisait – le verbe fut créé par lui, en l’honneur de Mistigris, «  ce farceur de Mistigris, qui retourne ou calembourdise tous les proverbes » (La Rabouilleuse, Pléiade, IV, 451). Les livreurs de journaux, qui se lèvent à cinq heures : « Qu’il vente ou qu’il tonne, pleuve ou neige, il [le livreur du Constitutionnel] est au Constitutionnel et y attend la charge de journaux dont il a soumissionné la distribution. Il reçoit ce pain politique avec avidité, le prend et le porte. À neuf heures, il est au sein de son ménage, débite un calembour à sa femme, lui dérobe un gros baiser, déguste une tasse de café ou gronde ses enfants », mais aussi « le jeune homme qui a quelque chose, et le jeune homme qui n’a rien ; ou le jeune homme qui pense et celui qui dépense » qui, tous,  « interrompent une conversation par un calembour » (La Fille aux yeux d’or, Pléiade, V, 1059 et 1060). Il arrive même que l'Église et la Noblesse descendent « dans l’arène du calembour en conservant toute leur dignité » (La Vieille Fille).  Aux calembours, s'ajoutent, chez l'inépuisable Balzac, les jeux de mots, les jeux avec la langue.




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— « Vous comprenez dès-lors et monsieur Hochon et la plaisanterie faite par la ville sur cette famille composée du père, de la mère et de trois enfants : les cinq Hochon ! »

Plus loin, même page :
— « On pouvait donc toujours dire les cinq Hochon, puisque cette maison se composait encore de trois petits enfants et des deux grands parents. Aussi la plaisanterie durait-elle toujours, car aucune plaisanterie ne vieillit en province. »
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 (La Rabouilleuse, Pléiade, IV, 420.)



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« M. Defermon, si plaisamment nommé Fermons la caisse (…) »
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 (La Vieille Fille, Pléiade, IV, 828.)




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THUILLIER

Ha ça, vous voulez rire !

BIXIOU, lui riant au nez.

Ris au laid (riz au lait) ! Il est joli celui-là, papa Thuillier, car vous n’êtes pas beau.

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 (Les Employés, Pléiade, VII, 1074.)




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« Chacun, entraîné par le conservateur des hypothèques, répondait à un calembour par un autre. Ainsi du Bousquier [un notable qui venait de faire un enfant à une jeune ouvrière] était un père sévère
, – un père manant,  – un père sifflé, – un père vert, – un père rond, – un père foré, – un père dû, – un père sicaire [la persicaire est une plante à fleurs, autrefois utilisée en médecine]. Il n’était ni père, ni maire ; ni un révérend père ; il jouait à pair ou non ; ce n’était pas non plus un père conscrit. »
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 (La Vieille Fille, Pléiade, IV, 883.)




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« "Il est déjà onze heures, répondit Valérie [Valérie Marneffe]. Et vraiment, monsieur Crevel, on dirait que vous voulez tuer mon mari. Dépêchez-vous au moins."
Cette rédaction à double sens fit sourire Crevel, Hulot et Marneffe lui-même. »
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(La Cousine Bette, Pléiade, VII, 225.)



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— Dame, monsieur Laurent, je me nomme Moinot. Mon nom s’écrit absolument comme un moineau : M-o-i-n-o-t, not, Moinot.

— Effectivement, dit Laurent.
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(La Fille aux yeux d’or, Pléiade, V, 1069.)




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« Après tout, comme dit ce farceur de Mistigris (…) la vie est un qu’on bat. »
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 (La Rabouilleuse, Pléiade, IV,  451.)

NOTE. Lire : la vie est un combat. La définition, devenue un apophtegme, venait du Livre de  Job, ch. 7, § 1 : Militia est vita hominis super terram (la vie de l’homme est une guerre sur la terre). Il est probable que Balzac a pensé à un vers de Casimir Delavigne dans Le Paria (1821), II, 1 : « La vie est un combat dont la palme est aux cieux ». Autrement dit, si la vie est bien un combat sur terre, donc emplie d’épreuves douloureuses, l’homme, Job en l’occurrence, peut légitimement souhaiter mourir, pour enfin connaître l’issue de son combat, récompense ou punition, paradis ou enfer.



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