Éditions PLEIN CHANT

APOSTILLES

  2 février 2017

Voir :
Claude LE PETIT

L'Heure du berger
roman

Bassac
Plein Chant

1993






      
    



L'Heure du berger et la justice




Jules Gay eut à subir deux procès, en 1863 et en 1865, pour sa collection des « Raretés bibliographiques », imprimée par Ch. Jouaust puis par Jouaust et fils, où le terme Raretés désignait, par une convention connue de tous les bibliophiles, des textes relevant de la sexualité ou critiques à l’égard de la religion catholique. En 1863, les censeurs avaient confisqué chez lui, est-il écrit dans Procès des raretés bibliographiques faits à Paris en 1863 et en 1865 publiés par la Société des Bibliophiles Cosmopolites (Bordighère, imprimerie Henri Rancher et Cie), 1875, ouvrage tiré à cent exemplaires numérotés, tous sur papier vélin :

185 Papesse Jeanne (étude historique sur le pape Jean VIII, par Philomneste junior, autrement dit Gustave Brunet) ;
32 Dissertation sur l’Alcibiade (Dissertation sur l'Alcibiade fanciullo a scuola, traduite de l'italien de Giamb. Baseggio et accompagnée de notes et d'une postface par un bibliophile français [Gustave Brunet], un éloge de l’amour des hommes pour les jeunes garçons) ;
4 Lion d’Angélie (par Claude Le Petit) ;
6 Heure du berger (par Claude Le Petit ; édité pour la première fois en 1662, avec privilège du roy, réimprimé en 1862, avec un avant-propos par Philomneste  junior) ;
18 Arétin, Sept petites nouvelles (Sept petites nouvelles de Pierre Arétin concernant le jeu et les joueurs… précédées d’une études sur l’auteur et sur divers conteurs italiens, par Philomneste  junior) ;
21 Corneille, l’Occasion perdue (L’Occasion perdue recouverte, par Pierre Corneille, nouvelle édition accompagnée de notes et de commentaires avec les sources et les imitations qui ont été faites de ce poème célèbre non recueilli dans les œuvres de l’auteur. Parmi les textes ajoutés, les trois derniers s’intitulaient La Jouissance imparfaite, caprice ; Jouissances, stances, par Benserade ; Jouissance, stances, par Du Teil ;
10 L’Escole de l’intérest (L’Escole de l’intérest et l’Université d’amour, allégorie traduite de l’espagnol d’Antolinez de Piedrabuena par Claude Le Petit, précédée d’un avant-propos par Philomneste  junior) ;
15 Livres du boudoir (de Marie-Antoinette).

Cela sans compter des livres appartenant à la Bibliothèque nationale, également confisqués.

Précisons que Procès des Raretés bibliographiques fut écrit par Jules Gay, sans être signé par lui. Dans la première partie du livre, après avoir énuméré les titres donnés plus haut (une énumération ici complétée par nous), donne les extraits jugés répréhensibles par les censeurs. De L’Heure du berger, en sont donnés trois. Voici le troisième, page 32 de Procès des Raretés… (page 52 dans L'Heure du berger), légèrement modernisé par Jules Gay.
Lu isolé, le texte se comprend mal, aussi a-t-on ajouté, en bleu, les lignes qui précèdent l'extrait donné dans Procès des Raretés… On est parvenu à un endroit de l'ouvrage où les deux héros, le jeune homme qui attend avec impatience l'heure du berger, c'est-à-dire le moment de la possession physique, et la bien-aimée toujours vierge, entrent dans le temple de l'Amour. On y voyait une horloge tout ce qu'il a de plus allégorique,  car le temps mesuré n'était pas celui que nous connaissons dans la vie ordinaire, mais le temps de l'amour vécu. Un Cupidon doré, vêtu en berger (d'où l'heure du berger), faisait sonner l'horloge quand il jugeait que l'amour devait s'accomplir. Faut-il préciser que le cabinet de la Jouissance est le sexe de la jeune femme, et l'Occasion son sexe à lui ? L'horloge, donc :


Toutes les heures n'y estoient pas figurées egalement distantes les unes des autres comme aux nostres, mais toutes inégales : et ce qui fait le nœud de l'histoire, c'est qu'elles estoient marquées par un Cupidon doré vestu en berger qui estoit à l'un des bouts de l'aiguille, et justement à la place où nos horlogers mettent des fleurs de lys, pour les signaler ; ce qui fait qu'on appelle l'heure du berger celle qu'il montre, quand il est justement dessus.
Par
bonheur pour elle et pour luy, elle sonna lorsqu'ils estoient là, tellement extasiez, qu'ils ne sçavoient plus ce qu'ils faisoient ; et à mesme temps cette porte ovale qui fermoit le cabinet de la Jouissance s'ouvrit et l'Amour qui tenoit l'Occasion par les cheveux, les poussa tous deux dedans ; il n'y eut pas moyen de s'en dédire, ils y entrèrent donc aussi tost gallamment avec le Plaisir et la Volupté. La prose en demeura là, mais les vers disent :
Que dessus l’autel clos et coy
Et nostre amante et nostre amant
Se virent je ne sçay comment
Et se firent je ne sçay quoi.




   
     






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