Éditions PLEIN CHANT
Apostilles

Théophi

Le Dictionnaire typographique
de J. L. B. Osmont

ou

En lisant, en choisissant







En 1778, le libraire parisien Jean Baptiste Louis Osmont fit paraître chez un autre libraire, Jacques Lacombe, installé quai de Conti, un Dictionnaire typographique, historique et critique des livres rares, singuliers, estimés et recherchés en tous genres… en deux volumes. Appréciation une douzaine d’années plus tard par un cher confrère : « Le Dictionnaire Typographique de J.B.L. Osmont, Libraire, en 2 vol. in-8°, est si défectueux, qu’il ne renferme qu’une très-foible partie des Livres qui devroient y être compris. Les prix semblent y avoir été mis comme par hasard, ou du moins sur la première adjudication qui s’est présentée aux yeux de ce Libraire. Cependant, malgré ses défauts, ce Dictionnaire a eu du succès, & depuis que l’Edition est épuisée, on le paye dans les ventes au-dessus de sa première valeur » (Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares, précieux, singuliers, curieux, estimés et recherchés…, Paris, chez Cailleau et fils, et se trouve à Liège, 1791, préface). L’auteur malveillant de ce dictionnaire est l’abbé Duclos, peut-être aidé par André-Charles Cailleau ; si malveillant que dès sa couverture, il corrige Osmont en cuistre. Celui-ci avait choisi, pour épigraphe : « Ex uno nosce omnes » (apprends, avec un seul, à les connaître tous), paraphrase ou citation de mémoire légèrement faussée dans les mots mais non le sens d’une formule de Virgile, tirée de l’Énéide (II, 65), en ce temps connue de tout le monde. L’abbé Duclos, réprobateur, prend un soin extrême à bien mettre, pour son épigraphe, le texte exact et la référence : « Ab uno disce omnes. VIRG. Enéid., liv. II. ».

Osmont, il faut le reconnaître, avait travaillé bizarrement : il connaissait (ou avait connu à l’occasion de son dictionnaire) Albert-François Floncel, avocat et censeur royal, mais surtout collectionneur de livres italiens, si bien que son Dictionnaire  regorge de livres italiens. Au cours de la lecture, cette lecture à la fois rêveuse et attentive des amateurs de bibliographie qui promet la découverte de livres pas encore lus, furent écartés ces livres, et aussi les livres écrits en latin et tous les livres de piété ou d’édification — quoique les livres mystiques ne peuvent pas ne pas attirer l’attention par leurs titres, tel, au premier tome, page 52, L’Echelle du Paradis, pour, à partir de ce monde, écheller les Cieux, par Arnoulx, Rouen, 1661. L'auteur, dont Osmont francise le nom était un théologien né en Pologne (à Lesna, dit Osmont, soit Lissa) le 17 décembre 1618, Nikolaus Arnoldi, mort à Franeker dans la Frise le 15 octobre 1680. Un autre titre (t. I, 176) : Le Chariot spirituel durant lequel il est parlé de neuf genres d’Amour Divin, unique moyen pour faire rouler l’Epouse céleste dans les grands chemins du Ciel, une édition de 1723 de la version originale parue en 1627, sous le titre : Le Chariot spirituel, fait de l'union de divine et humaine volonté, pour conduire les âmes dans le Ciel et pour faire cognoistre les neuf genres d'amour divin, par lesquels les neuf ordres de la nature angélique doivent estre reparez par la nature humaine.

Voici donc, choix parfaitement subjectif, les livres rares que l’on rechercherait volontiers, avec le risque de s’être laissé attirer par des titres au contenu décevant.

   Tome I.   

p. 134 : Formulaire fort récréatif de tous Contrats &c. fait par BREDIN le COCU. Lyon, 1594.

p. 135 : La Navigation du Compagnon de la Bouteille, avec les Prouesses du merveilleux Géant BRINGUENARILLE. Troyes, in-16, sans année.

p. 182 : Les facétieuses Journées, contenant cent Nouvelles, par G.C.D.T. (Gabriel Chappuis de Tours). Paris, 1584.

p. 236 : Discours facétieux des hommes qui font saller leurs femmes parce qu’elles sont trop douces ; mis en rime françoise & par Personnages. Rouen, in-8, sans année.

p. 251 : Le Royal Sirop de Pommes, Antidote des Passions mélancholiques ; par Gabriel Drouin (Droyn, selon le catalogue de la BnF). Paris, 1615, in-8.
Commentaire d’Osmont : « curieux & recherché. »

p. 325 : Les Débats & Facetieuses rencontres de GRINGALET & de Guillot GORGEU. Troyes 1682, in-12.

   Tome II.   

p. 161 : Les Gymnopodes, ou de la Nudité des Pieds, disputée de part & d’autre ; par Sebastien ROUILLARD, in-4. Paris, 1624.
Pour confirmer l’étrangeté des livres de l’avocat Sébastien Rouillard, citons (omis par Osmont) : la Magnifique Doxologie du Fétu, ou encore Traité de la virilité d’un homme né sans testicules (1600). Des « écrits mal digérés, mais savans et singuliers », écrira Gabriel Peignot dans son Dictionnaire historique et bibliographique… des personnages illustres…(1821).

p. 240 : on connaît les Bigarrures de Tabourot des Accords, mais connaît-on « Synatrisie (pour Synathrisie, d'un mot grec signifiant rassemblement, accumulation) ou Recueil confus, par Tabourot, sous le nom de Desplanches. Dijon, 1579, in-8 » ?
Commentaire alléchant d’Osmont : « C’est un amas de Quolibets, d’Epitaphes badines, &c. recueillis de divers Ecrits. » En réalité (voir l'édition critique des Bigarrures par Francis Goyet, Droz, 1986, p. XVII), le livre s'intitule plus exactement Premier livre de la Synathrisie alias recueil confuz. Fait par Iean des Planches ; la première édition date de 1567 et l'auteur serait bien l'imprimeur Des Planches, qui aurait simplement cité quelques Bigarrures de Tabourot.

p. 292 : Les douze Clefs des Philosophes de Basile VALENTIN, & l’Azot, ou le Moyen de faire l’or caché des Philosophes ; ensemble l’Œuf des Philosophes de Bernard, Comte de Trèves… Paris, 1659. Vérification faite au catalogue de la BnF, le livre s'intitule Les douze clefs de Philosophie de Frère Basile Valentin, religieux de l'Ordre Sainct Benoist. Traictant de la vraye Medecine Metalique. Plus l'Azoth, ou le moyen de faire l'Or caché des Philosophes. Paru en 1659, il connaîtra une deuxième édition datée de 1660, mais l'auteur, Basile Valentin, serait un personnage légendaire, moine bénédictin à Erfurt au quatorzième ou au quinzième siècle,  sous le nom duquel furent publiés plusieurs ouvrages d'alchimie écrits en allemand ou en latin. Osmont cite une traduction française des Zwölff Schlüssel (Douze clefs), mais le livre fut édité pour la première fois en 1599 et pour le nom d'auteur les spécialistes hésitent entre Johann Thölde et Joachim Tancke (1557-1609). Quant à l'Œuf des philosophes, il s'agit du Traicté de la nature de l'œuf des philosophes, composé par Bernard, Comte de Trèves, Paris, 1659, publié pour la première fois en 1624 (64 pages in-8). Et Bernard de Trèves (Bernard le Trévisan), vécut de 1406 à 1490.

Ô surprise ! Lisant la Bibliothèque typographique, nous avons eu le plaisir de rencontrer quelques livres édités par Plein Chant :


   Tome I.   

p. 106 : Le Lyon d’Angelie ; Histoire amoureuse & tragique, par Pierre-Corneille Blessebois, avec le Temple de Marsias du même Auteur. Cologne, 1676, in-12.
Commentaire d'Osmont : « Ce roman est rare et fort estimé. »

p. 141 : Les Œuvres de BRUSCAMBILLE, contenant ses Fantaisies, & autres Discours comiques, tirés de l’Escarcelle de ses imaginations. Rouen, 1635, in-12.

p. 175 : La Vie & Actes triomphants de Damoiselle CATHERINE DES BAS SOUHAITS, sans nom de ville ni année, in-8.
Osmont : « Très-rare & fort singulier. »

p. 190 : Les Contes bigarrés du Sieur de CHOLIERES, déduits en Matinées & Soirées. Paris, 1586, puis 1612, 2 vol. in-12

p. 435 : (Attribué à Jean Lemaire de Belges). Le Triomphe de très-Haute & Puissante Dame V……, Royne du Puy d’Amour. Lyon, 1539, in-8.

   Tome II.   

p. 312 : Les Délices de VERBOQUET le généreux, 1623, puis 1640, in-12.







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