Éditions  PLEIN CHANT





Un séjour à la Bibliothèque des Curieux
de 1908 à 1922


suivi de


Le ménage à trois de Livre, Érudition et Amour

par
Paule Adamy

PLEIN CHANT 2014



 
    Plein Chant vous propose une visite à la Bibliothèque des Curieux, connue par le biais de ses deux collections les mieux fournies : Les Maîtres de l'Amour, Le Coffret du Bibliophile.










Si Apollinaire et Raoul Vèze, alias Jean Hervez, nourrissaient tous deux  « Les Maîtres de l’Amour » et  « Le Coffret du Bibliophile »,
  
ils créèrent et alimentèrent d'autres collections ou séries.
Jean Hervez dirigea 
« Le Baiser ».


   Un examen des lieux permet de noter combien Apollinaire et Raoul Vèze, les deux piliers de la maison, ont mis à contribution les livres édités par Isidore Liseux (1835-1894), donnant à lire des textes rares établis et commentés par Alcide Bonneau. L'imitation est allée jusqu'à se traduire matériellement, puisque les livres du « Coffret du Bibliophile » reproduisaient le format et l'aspect de ceux de la Petite Bibliothèque Elzévirienne d'Isidore Liseux : à gauche, « Le Coffret du Bibliophile », à droite, Isidore Liseux, avec La Conférence entre Luther et le Diable, 1875.



   Ci-dessous, les trois livres de la collection
d'Apollinaire, « L’Histoire Romanesque ». Le premier d'entre eux, La Rome des Borgia, fut l'œuvre de René Dalize, bien plus que celle d'Apollinaire. Aux deux autres, Apollinaire travailla davantage, tout en mettant plusieurs de ses amis à contribution. La vignette ronde de La Rome des Borgia reproduit le détail d'un portrait présumé de Lucrèce Borgia (Sainte Catherine, par le Pinturiccio). La Fin de Babylone est illustrée par la reproduction d'une orgie peinte assez indistincte, mais peut-être le flou était-il délibéré ; la vignette des Trois Don Juan donne à voir un détail de La Maya nue de Goya.



 

   Après la mort d'Apollinaire, Fernand Fleuret et Louis Perceau animèrent plusieurs collections de la Bibliothèque des Curieux, signant de leur nom ou de pseudonymes variés : le chevalier de Percefleur, Dr Ludovico Hernandez.

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1. Hors collection, mais semblable aux livres des  « Maîtres de l’Amour ».
2. Le Cheveu, présenté par
le chevalier de Percefleur.
3.
Édition de FERNAND FLEVRET & LOVIS PERCEAV.
   L'histoire de la Bibliothèque des Curieux ne s'arrête pas là car ses propriétaires, Georges et Robert Briffaut, se mirent, pour mieux répondre au nom de leur maison d'édition, à publier des livres clandestins au format de ceux du « Coffret du Bibliophile ».  Par exemple :



Thérèse philosophe La Haye (A la Sphère) 1748-1910
Les Aphrodites
, par Andrea de Nerciat (3 vol.) A Lampsaque 1793-1909

   Dans Un court séjour…, on
rencontre à côté de Georges et Robert Briffaut des éditeurs tels que Pierre Fort, qui publia L'Amour en visites d'Alfred Jarry :






    Ou encore Paul Fort, qui jouait au chat et à la souris avec les censeurs, vendant ses productions osées par correspondance, après les avoir fait connaître par des catalogues placés à la fin de livres édités par
lui ; Henri Daragon qui faisait jouer à sa revue, Paris-Galant, le rôle d'un catalogue. Ci-dessous, la couverture et le dos.





    On se promène du côté de l'érudition appliquée aux ouvrages érotiques, aussi bien les canoniques, devenus respectables avec le temps, que les éphémères, jetés aussitôt que lus, dont les plus intrigants restent les livres de flagellation.


  
Illustration de Del Giglio pour
Le Pensionnat du fouet,
par Aimé Van Rod, 1909.


 
   Le livre invite les lecteurs à se poser diverses questions. L'érudition incitant à une lecture intensive et généralisée, pourquoi ne pas faire accéder les catalogues de livres au statut de livre, puisqu'ils donnent sinon des fleurs, au moins leur parfum ?
   Les livres érotiques ont longtemps mûri dans l'ombre de la clandestinité. Les cachettes, les incertitudes sur auteurs et éditeurs, inciteraient-elles certains érudits, Pascal Pia, par exemple, à la
pratique de la supercherie ?  Ou à celle du pastiche, comme Fernand Fleuret ?
   L'érudition met en plein jour des manuscrits inconnus, enfouis souvent dans les bibliothèques publiques parce que, publiés, ils eussent créé le scandale. Elle sert d'alibi à la  republication de ce qui ne choquait pas au début du XVIIe siècle, mais fut ensuite jugé contraire aux bonnes mœurs et à la morale publique,
ainsi des recueils de pièces en vers, emplis d'une sexualité indiscrète. Ces réapparitions dues à des érudits tels que Van Bever, Frédéric Lachèvre, Fernand Fleuret seul ou en compagnie de Louis Perceau, créent une forme de lecture particulière, différente de celle des imprimés ordinaires dans la mesure où elle nous invite à jouer avec le temps, celui du présent vécu comme aboli par le temps présent d'une lecture reconstituant un passé.
  


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