LE POISSSON D'AVRIL Étrennes de la Saint-Jean, p. 207 |
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Un amant, qui par hasard n'avoit pu plaire à celle qu'il aimoit, ne laissa pas de gager contre elle qu'il lui donneroit le meilleur poisson d'avril du monde; elle, de son côté, ne voulant pas demeurer en arrière, gagea aussi contre lui qu'elle lui en fourniroit un bien plus beau. Ledit sieur fit donc faire une caisse en forme de poisson d'avril, mais assez grande pour qu'il pût se fourrer dedans. Effectivement, il s'en fit un étui, et on le transporta ainsi chez sa demoiselle, laquelle en conçut à l'instant de si grands soupçons, qu'elle se douta du contenu. Elle trouva justement sous sa main un autre de ses amans, qui lui plaisoit infiniment, et avec qui elle étoit en pourparler de noces; c'est pourquoi elle s'assit avec lui sur la caisse énigmatique, et là, sans autre façon, elle reçut et accepta de lui toutes les promesses imaginables d'amour et de fidélité, à charge d'autant; le tout accompagné de railleries et plaisanteries à 1'encontre de celui qui faisoit l’âme du prétendu poisson d'avril. On demande lequel des deux valoit le mieux. |