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[…] je continuai
pendant deux mois à m'habiller tous les jours en
femme; j'allai partout faire des visites, à
l'église, au sermon, à l'opéra, à la comédie, et il me
sembloit qu'on y étoit accoutumé ; je me
faisois nommer par mes laquais madame de Sancy. Je
me fis peindre par Ferdinand, fameux peintre
italien, qui fit de moi un portrait qu'on alloit
voir ; enfin je contentai pleinement mon
goût. J'allois au Palais-Royal toutes les fois que
Monsieur étoit à Paris ; il me faisoit mille
amitiés, parce que nos inclinations étoient
pareilles ; il eût bien souhaité pouvoir
s'habiller aussi en femme, mais il n'osoit, à
cause de sa dignité (les princes sont emprisonnés
dans leur grandeur) ; il mettoit les soirs
des cornettes, des pendants d'oreilles et des
mouches, et se contemploit dans des miroirs.
Encensé par ses amants, il donnoit tous les ans un
grand bal, le lundi gras. Il m'ordonna d'y venir
en robe détroussée […]
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