Éditions PLEIN CHANT


Le Gaulois, mardi 18 juillet 1882

UN AMI

par Henri de Pène


[…] je l’avais connu en 1848, dans les bureaux de l’Événement, de Paul Meurice et de Vacquerie, avec les fils éblouissants de Victor Hugo, si tôt disparus. Il venait alors de publier son premier livre : les Mystères du magnétisme. J’avais dix-huit ans et lui vingt-cinq. Nous sortîmes du journal bras dessus, bras dessous, accrochés pour la vie.

Il est difficile de parler de ses écrits […] Je n’y ai jamais vu bien clair, dans ses livres […] Son Éternité dévoilée, son Perfectionnement physique de la race humaine, aussi bien que la Science du vrai, qui est d’hier, m’apparaissent comme un chaos de clartés et de ténèbres alternées, un mélange d’Apocalypse et de parisianisme à outrance, dans lequel il est difficile de retrouver son chemin. Dans ses bonnes pages, il est écrivain de grande race. Dans les autres, le public peut être tenté de se demander s’il a affaire à un fou ou à un mystificateur.

Après le cœur, c’est la mémoire qui était chez lui la faculté dominante. On ne l’a jamais vu étudier, et ce qu’il savait de choses inconnues au commun des mortels est incroyable. Il est vrai qu’il ignorait ce que tout le monde sait. Répertoire inépuisable d’anecdotes, ana vivant, source à laquelle vingt chroniqueurs ont puisé, il racontait également Paracelse et Rigolboche, citait la Bible et la duchesse de Maufrigneuse.

 […]
Il était assez fier de ses mains aristocratiques, qu'il appelait volontiers des mains psychiques, terme emprunté aux sciences occultes, dont on sait qu'il était fervent adepte. Peut-être y croyait-il moins qu'il n'en avait l'air. Je ne suis pas tout à fait édifié là-dessus.


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