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CVIII.
De
deux jouvencelles qui conseillèrent
à ung Prince de
laver sa teste
en pissat de
pucelle,
Et commence au latin :
Juvencule cum essent,
etc.
Il fut aultrefois un Prince, lequel
en sa force et jeunesse fut fort adonné au péché de
luxure et délectoit surtout à defflorer filles, si que
en viellesse mesme, que sa nature ne pouvoit plus rien
faire, encores prenoit il félicité à tenir jeunes filles
en son giron et les baiser, manier les tétins et leur
faire plusieurs amoureux atouchemens. Il avoit en sa
court plusieurs jeunes Damoyselles, à qui il passoit
ainsi son temps sans faire aultre chose, car il n'eust
peu, ce qui ne plaisoit pas aux joùvencelles, ains
eussent mieulx aymé quelque gentil compagnon jeune qui
leur eust faict aultre chose. Pource aulcunes les plus
hardies délibérèrent de s'excuser et ne souffrir plus
que le viel Prince les maniast. Si advint ung jour, ung
jour que après disner, il vouloit faire comme il avoit
acoustumé. « Adonc, » dist l'une, « Sire,
nous est advis que c'est simplesse à ung vieil homme de
plus vouloir approcher des jeunes filles. – Et
pourquoy », dist le Prince ! « Ay-je la
barbe grise; si ne tient que à cela, je la feray faire.
– Nenny », dist la fille. – « Et quoy donc»,
dist le Prince ? « A ce que je ay la teste
pelée par devant. – Sainct Jehan, voire », dist la
fille. « Et vrayement », dist il, « belle
dame, s'il me devoit couster mille escus, si la feray-je
revenir qu'elle aura des cheveulx ». Alors envoya
aux Médecins partout, mais n'en pouvoit trouver qui luy
peussent faire. Par tant se railloyent les filles et
disoient de luy en derrière : « Nous luy avons
bien baillé à bouter. – Mais qui me croira», dist l'une,
« nous le tromperons encores mieulx, et luy
donnerons à entendre que, s'il veult laver sa teste deux
ou trois foys de pissat de pucelle, les cheveulx y
reviendront. – Certainement », dirent toutes les
aultres, « c'est bien advisé ; soit
faict. » Ainsi, la première foys que le Prince
retourna jouer avecques elles, l'une luy dist :
« Or çà, Monseigneur, vous avez beaucoup prins de
peine pour trouver Médecin qui vous face revenir les
cheveulx à la teste ; mais sachez que jamais ne
reviendront si vous ne lavez vostre teste en pissat de
pucelle. – Et comment », dist le Prince ?
Vostre conseil n'est pas vray ; je le vous
monstreray par expérience. » Lors il tira de sa
brayette un grant chouart, et leur monstre en
disant : Tenez quel compaignon velà, qui a la teste
pelée ; il l'a lavée au pissat de plus de cent
pucelles que je ay despucelées et est allé quérir leur
pissat jusques à la propre source d'ont il vient, mais
il ne eut jamais poil en teste, et pour tant vostre
conseil ne est pas bon ad ce cas. » Ainsi furent
les jeunes filles confondues et ne sceurent plus que
dire.
En ceste Facécie est monstré que tous conseilz
ne sont pas à croire, car il en est dont on voit
par expérience que le contraire est vray.
(Page 292.)
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