Éditions  PLEIN CHANT
Bibliothèque facétieuse, libertine et merveilleuse

Verboquet le généreux : Les Delices

Les Delices ou Discours joyeux et recreatifs
Plein Chant, Bassac, M. CM. XCV
Bibliothèque facétieuse, libertine & merveilleuse




D'une servante qui trouva grande difficulté entre couché et poussé

Pages 122 et 123.

   
    



Comme c'est mon ordinaire de loger au logis où j'ay de coustume, je loge donc à un où il y avoit une belle servante et bien apprise. Si tost que je fus entré, l'on me fait monter à la chambre, l'on m'apporte mon soupper suivant ma qualité. Après avoir souppé j'appelle la servante, qu'elle m'apporte des linceux, me tire mes bottes et décrotte mes esperons, ce qui fut aussi tost fait. En accommodant mon lict, je m'accoste de la servante, m'approchant du lict qu'elle faisoit : je la baise, elle ne dit mot ; je recommence à la rebaiser en lui disant : M'amie, voudriez-vous bien loger mon Verboquet ? Elle, qui entendoit à demy mot, me dit : Comment ! monsieur, pour qui me prenez-vous ? Je suis fille de bien. Je l'entends ainsi, lui dis-je ; car si vous estiez autre, je ne voudrois de vous, quand vous me donneriez cent pistoles ! Luy ayant tenu plusieurs autres propos, je luy dis : M'amie,  comme l’on dit en Normandie, il ne faut point tant de beurre à faire un carteron. Voilà ma bourse, prenez ce que vous voudrez, et couchez-vous là.  Elle met sa main dedans ma bourse, disant : Monsieur, je ne me coucheray point ; mais poussez-moy, je me laisseray tomber. Quand je vis qu'il n'y avoit qu'à pousser, je n'y manque point, et aussitost se laisse tomber. Je mets donc mon Verboquet à son repos, comme l'on fait le roüet de pistolet, quand il a tiré son coup. Quand elle fut levée, je lui demande : Dites-moy, mamie, quelle difficulté trouvez-vous entre coucher et pousser ? Elle me dit : Monsieur, ceux qui se couchent, il y va de leur volonté ; partant le peché en est plus grand qu'à ceux que l'on pousse, car c'est comme une chose forcée. Je luy dis : Adieu, mamie ; quand je reviendray je vous repousseray. A vostre commandement, me dit-elle. Ce fut bien la pitié. Quand je fus sorty du logis, je regarde à ma bourse, je trouve qu'elle avoit esté bien poussée, car il n'y avoit que deux quarts d'escu ; qui fut cause qu'il fallut mieux pousser mon cheval que je n'avois fait la servante.



 

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