Éditions  PLEIN CHANT

Camille B[erriat] & Albert H[eimann] :
Petit Traité de littérature naturaliste


Petit Traité de littérature naturaliste (d'après les maîtres)
Éditions Plein Chant, Bassac, 1993, collection Anciennetés
Réimpression de l'édition de Léon Vanier, Paris 1880


On prendrait volontiers, si l'on se limitait à la lecture de l'avant-propos, cet ouvrage ironique  pour argent comptant : la littérature naturaliste est l'avenir de la littérature naturaliste,  Zola  son prophète et d'ailleurs les auteurs vont le prouver en donnant de courts extraits de textes naturalistes, commentés. Mais peu à peu, on comprend…



Extrait de l'avant-propos
pp. 7-10

   

Puisque la littérature naturaliste, qui fait abstraction complète de l'idéal et base une œuvre sur la nature, en expliquant les déviations du vrai par le tempérament de l'artiste, est appelée, suivant M. Emile Zola, à détrôner toutes les autres, parce qu'elle est seule une formule de vérité, pourquoi ne pas nous débarrasser de ces formules anciennes, démodées aujourd'hui, que l'esprit de routine, une admiration stupide et un aplatissement général ont trop longtemps conservées ? Qu'avons-nous à faire des ouvrages didactiques où l'on s'est appliqué à réunir, jusqu'à nos jours, les mêmes règles, le même choix d'exemples qui ont servi à tous nos devanciers depuis des siècles ? N'est-il pas temps à une formule nouvelle de donner une démonstration nouvelle ?
Ce travail, dont l'absence a lieu de nous étonner, nous parut destiné à rendre un double service : à la littérature naturaliste, dont il ferait mieux apprécier les œuvres en faisant connaître et analysant les beautés qu'elles renferment ; aux jeunes littérateurs de l'avenir et aux profanes, à qui il servirait de guide dans l'étude des bons modèles.
C'est dans ce but que nous avons entrepris cette simple ébauche. Le lecteur impartial et non prévenu voudra bien ne pas la juger trop sévèrement et mettre sur le compte de la jeunesse, de l'inexpérience des auteurs et de la hâte avec laquelle ils ont conçu leur travail, les défauts nombreux qu'il ne manquera pas de rencontrer.
Heureux serions-nous, si nous pouvions avoir contribué, par nos faibles essais, à la construction de l'Édifice littéraire nouveau, à l'érection du Sanctuaire qui s'élève à la Voix du Maître, sur les ruines où sont ensevelis à jamais les derniers débris des littératures classique et romantique !!!…



La postface met les points sur les i.



Extrait de la postface
pp. 187-189


   


Les écrivains naturalistes, ceux qui ne veulent pas qu'on sorte de la réalité des faits observés, peuvent nous fournir un type isolé, un caractère, mais il sera toujours d'une infériorité frappante sous le rapport littéraire et artistique, pour ne rien dire du côté moral, à ceux créés par les autres écrivains. L'Avare, le Misanthrope, le Tartuffe, le Bourgeois Gentilhomme, le Joueur, M. Poirier, et bien d'autres encore, parmi les chefs-d'œuvre de l'art dramatique ; le père Grandet, le père Goriot, Vautrin, l'illustre Gaudissart, Birotteau, la cousine Bette, Nucingen, etc., etc., pour ne citer que les principales créations de M. de Balzac, le fécond romancier invoqué par les naturalistes comme leur maître et leur modèle, existent-ils dans la nature tels que nous les ont présentés les écrivains de génie qui les ont créés? Evidemment, non. Et nous ne faisons que répéter une vérité banale en rappelant qu'ils sont le produit de l'imagination de leurs auteurs qui se sont plus à attribuer à un seul personnage les diverses manifestations d'un même caractère observées chez plusieurs individus. Enlever à l'art la faculté créatrice, le droit, et quelquefois le devoir, de modifier, de corriger la nature pour l'embellir, rendre ses productions plus vivantes et plus frappantes, atténuer ce qu'elles ont de trop cru ou de trop choquant, c'est nier l'art, limiter le génie, rendre ses œuvres inférieures à la nature elle-même, qu'il ne pourra jamais représenter dans sa vérité absolue.





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