Éditions  PLEIN CHANT

Charles Nodier : Études sur le seizième siècle, extrait


Dans Études sur le seizième siècle où sont rassemblés par Jacques-Rémi Dahan des textes divers de Nodier, on peut lire les commentaires du bibliophile écrits pour le catalogue de la Bibliothèque de Guilbert de Pixerécourt (1838), qu'il avait établi avec Paul Lacroix. On extrait les deux numéros (pp. 372-373) qui concernent Blessebois, un auteur encore mystérieux.



1251. Le Lion d’Angelie, histoire amoureuse et tragique, par P. Corneille Blessebois. Cologne, Simon l'Afriquain (Hollande, Elzevier), 1676. - Le Temple de Marsias. Ibidem, idem, 2 parties en 1 vol. petit in-12, figures.

J'ai déjà parlé de l’auteur de ces différents ouvrages dans les Mélanges tirés d’une petite Bibliothèque
et dans les notes de ce catalogue. Les observations si intéressantes et si curieuses de M. Lacroix m’engagent à y revenir. Je persiste à douter que Lupanie soit de Corneille Blessebois, dont les ouvrages, imprimés en Hollande, sont postérieurs de huit ans à celui-ci. Lupanie, ainsi que je l’ai dit, est d'ailleurs tout fait dans son genre, et c'est un libelle fort rare, en effet, mais beaucoup moins que ceux dont il est fait mention à sa suite, puisqu'il en existe au moins quatre éditions, à ma connaissance. Quant au nom de Corneille Blessebois, sur lequel j’ai hasardé autrefois des conjectures que je n'ai pas données pour autre chose, il est maintenant bien reconnu qu'il a été porté par un auteur contemporain dont on a des productions d'un genre extrêmement différent, mais dont l’Eugénie se rapproche un peu. Notre Blessebois ne serait-il pas le parent, le filleul peuttre, de Blessebois le poète tragique de Châtillon-sur-Seine ? Cest une rencontre d'homonymie qui n'aurait rien de bien extraordinaire dans une famille : l’auteur du Sopha s'appelait Prosper de Crébillon, comme son père, et le Sopha n'a jamais été attribué à l’auteur de Rhadamiste ; ou bien cet odieux Blessebois qui a poussé au-delà de toutes bornes l’excès du cynisme et de la diffamation dans la plupart de ses exécrables livres, n'était-il pas, comme je l’ai pensé, un réfugié perdu d'honneur qui ne pouvait avoir aucun nom, et qui s'était couvert au hasard de celui d'un homme pieux et respectable dont il avait entendu parler dans ses voyages, parce que ce nom exprimait une espèce de rebus qui offrait quelque analogie avec le sien ? Cette question ne sera probablement jamais résolue, mais on peut s'en consoler, car elle n'est pas fort importante. Ce que je suis fort éloigné de croire, c'est que Blessebois soit un masque littéraire du fameux Corneille Tromp, qui avait quarante-sept ans, en 1676, âge un peu avancé pour imprimer des infamies qui auraient fait rougir de honte le dernier de ses matelots. Il serait d'ailleurs difficile de comprendre comment cet illustre guerrier, qui était amiral depuis plus de dix ans, se serait flatté d'avoir eu l’honneur de suivre en mer un jeune capitaine de vaisseau.

1360. Blessebois (Pierre Corneille) ? Le Zombi du  grand Pérou, ou la Comtesse de Cocagne. Sans nom de lieu, 1697, petit in-12.
Le Zombi du grand Pérou a excité, entre M. Brunet et moi, une de ces polémiques courtoises où les combattants n'ont rien à risquer. Je cédai les honneurs du champ de bataille à mon savant adversaire, et j'eus tort, car j'ai acquis depuis la conviction des deux points principaux de mon hypothèse, savoir : 1° que le Zombi a été imprimé aux Antilles, en 1697 ; 2° que le Zombi est de Corneille Blessebois, on de l’aventurier qui avait pris ce nom, et qui s'y faisait appeler M. de Corneille. C'est ce que j’établirai d'une manière invincible quand je n'aurai rien de mieux à faire, et M. Brunet est parfaitement d'accord avec moi sur le peu d'importance de la question. - Quant au prix que la fantaisie peut attacher à ce volume, sous le rapport de la rareté, M. Brunet sait bien qu’il n’y a rien de plus arbitraire, surtout pour les livres de caprice. Il estime lui-même 500 F la Galcomyomachia d'Alde, qui vaut aujourd'hui davantage, et qui s’est vendue six francs chez Maittaire, à une époque où la réputation de ces éditions grecques n'était pas nouvelle. Qu'est-ce donc du Zombi, qui n'est qu'un libelle obscène, comme la plupart des autres ouvrages de l’auteur ? - Il est vrai que le Zombi se trouve mentionné dans trois catalogues sur mille ; en y joignant mon catalogue, et en dernier lieu celui de M. de Pixerécourt, cela fera cinq catalogues qui ne constatent réellement que deux exemplaires. Est-ce là un argument contre sa rareté ? La Vergine Venetiana, de Postel, est portée dans sept catalogues, et c’est peuttre le livre le plus rare du monde. Je n'ai jamais vu que deux exemplaires du Zombi, et j’en connais au moins huit des Œuvres satyriques de Blessebois.




BLESSEBOIS chez PLEIN CHANT

dans la collection

Bibliothèque facétieuse, libertine & merveilleuse

Le Lion d'Angélie, suivi du Temple de Marsias

avec une notice sur l'auteur et sur ses ouvrages (1993)

Le Rut ou la Pudeur éteinte (1995)


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