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Monsieur, jamais il n'y a eu de Bouzingotisme, ni de Bouzingots. Jamais les Jeunes-France de notre groupe (c'est seulement ainsi que nous nous appelions, et qu'il faut nous appeler) ne se sont affublés d'un tel substantif et d'un pareil qualificatif. C'est tout bonnement une mauvaise plaisanterie du cru des bourgeois, comme la fameuse ronde dansée autour du buste de l'auteur d'Athalie, au cri de: Racine est un polisson! Voici, au vrai, l'histoire de la chose. - Un beau jour, quelques-uns d'entre nous firent quelque part un dîner assez vif. En s'en revenant, sub nocte per umbram, on était très-bruyants, on chantait une chanson peu attique, dont le refrain était Nous avons fait ou Nous ferons du bouzingo (notez bien l'orthographe). Bref, on scandalisa tout un quartier de Lutèce, et on commit amplement le délit de tapage | nocturne. Le guet intervint, déguisé en escouade de sergents de ville, et ne fut pas rossé. Bien pis: trois ou quatre Jeunes-France furent arrêtés, entre autres le pauvre Gérard. Ils en furent quittes pour un court |
moment à Sainte-Pélagie. Il y a de
Gérard une charmante petite pièce sur sa captivité.
Cependant le mot de bouzingo ayant fort retenti, les bourgeois s'en
emparèrent, et avec leur bonne foi et leur bon goût
habituels, se mirent à affirmer dans les feuilles de l'ordre et
des saines doctrines, que les jeunes républicains venaient de
prendre ce surnom Bouzingots (sic), qu'ils s'en
faisaient gloire, qu'en cela ils avaient raison, qu'ils
étaient ainsi bien nommés, qu'il fallait désormais ne plus
les appeler autrement. De là, chez lesdites feuilles, un
zèle inouï à répéter sur tous les tons, pendant six mois,
les mots Bouzingotisme et Bouzingot. On en rit d'abord
parmi nous. Théophile Gautier s'écria: Ces ânes de
bourgeois, ils ne savent pas seulement comment s'écrit
bouzingo! […] |