|
Valery Larbaud : « Un
enfant déchu » (extrait)
page 87
Il voyagea.
Il connut la mélancolie des
paquebots,
les froids réveils sous la tente,
l'étourdissement des paysages et des
ruines,
l'amertume des sympathies interrompues.
Gustave Flaubert.
(…) Ce rôle d'intercesseur auquel Valery
Larbaud a consacré une très grande partie de sa vie,
et qu'il a exercé avec une conscience extrêmement
rare et tout à fait pointilleuse, ce rôle assumé
avec une admirable humilité, permet de donner une
dernière touche au portrait qu'on a esquissé de lui.
Qui rejette la société où il est né, on pourrait
penser que l'orgueil est dans son cœur, et qu'il se
réfugie dans la solitude pour n'avoir pas jugé
qu'aucun poste fût digne de lui. Ce n'est pas là le
cas de Larbaud. S'il a abandonné sa société
d'origine, ce fut pour adhérer aussitôt à cette
société européenne des esprits qui ne comprend que
des volontaires. Et dans cette société il avait
choisi une fonction non pas brillante, mais utile,
et peut-être l'une des plus nécessaires :
assurer cette circulation des idées et des
techniques littéraires qui entretient la vie de
l'esprit, qui est le plus vieux remède contre la
sclérose collective. De sorte que si, par son œuvre
de créateur, Valery Larbaud avait la certitude
d'être un futur classique, il avait aussi, par son
propre labeur d'essayiste et de traducteur, le
sentiment d'être un bon citoyen de cette Europe des
esprits qui était à ses yeux la seule Europe
véritable, d'être – il l'a dit lui-même – un bon
Européen.
|