Tarjei
Vesaas
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L E S O I S E A U X |
Les deux dernières pages de ce roman,
traduit du norvégien & présenté par
Régis Boyer
Mattis avançait en barbotant. Il tenait son regard
imperturbablement fixé sur un point des collines de
l'ouest. Celui qui se trouvait le plus proche. Il
entrait dans son plan qu'il s'escrimât de tout son
pouvoir pour avancer dans l'eau.
Soudain,
un souffle de vent passa sur le lac, comme une haleine
vivante. Çà et là, une ombre descendit sur la surface
de l'eau. Mattis ne le remarqua pas, il s'évertuait et
ahanait farouchement. S'acharnait à avancer doucement
dans la même direction. Derrière son dos, pendant ce
temps, un mur de nuages avait grimpé au-dessus de
l'horizon. Il ne le vit pas non plus.
Il ne voyait rien à présent, ayant suffisamment à faire à s'escrimer à avancer et en même temps à ne pas laisser échapper les rames. Il n'avait toujours aucun sentiment de son corps, celui-ci avait disparu de façon étrange, et en même temps il était lourd comme du plomb. Le petit bout qu'il avait parcouru à grand peine n'était pas grand-chose en regard de ce qui restait. Il y avait presque aussi loin jusqu'à terre maintenant que lorsqu'il avait commencé. — Hege ! cria-t-il soudain : il venait de voir arriver le vent. Ainsi, le vent devait venir ! Les petits souilles s'étaient rapidement convertis en vrais coups de vent. Blêmissant, Mattis vit une raie bleu sombre loin sur la surface de l'eau. Elle s'approchait rapidement. Venu de la muraille de nuages derrière lui, le vent augmentait de force - bientôt, le lac serait déchaîné. Déjà le vent formait des crêtes blanches sur les vagues, sous peu elles lui empliraient la bouche d'eau et lui raviraient le souffle. Alors, il laisserait vite échapper les rames. — Mattis ! cria-t-il follement, éperdu. Cela fit comme un cri d'oiseau étrange sur le lac désert. Savoir si l'oiseau était grand ou petit, cela ne s'entendit pas. |