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[…] il
existe en France, au dix-neuvième siècle,
après cinquante ans de révolutions et de
conquêtes, il existe une majorité énorme
de citoyens sans droits, sans suffrages,
bons seulement à donner à l’État des
soldats, du pain, et que le haut bourgeois
exploite, puis insulte comme le patricien
romain en usait avec le prolétaire
antique.
L’organe de la haute
bourgeoisie, le Journal des Débats, les traite
de BARBARES, et déclare que le plus
grand danger qui puisse aujourd’hui
menacer l’État, est un PROLÉTAIRE
ÉLOQUENT. Ô Jésus ! Ô
Jean-Jacques ! Prolétaires
éloquents, l’entendez-vous ? c’est
vous qui êtes le fléau de la
société !
Ne dirait-on pas, à
entendre ces déclarations incendiaires,
que vingt millions de prolétaires sont là
rassemblés dans les Catacombes,
travaillant nuit et jour à la destruction
de l’ordre social ? Quelle
pitié ! Savez-vous ce qu’ils font ces
prolétaires que vous insultez
quotidiennement ? Tandis que vous
sonnez, soir et matin, le tocsin de la
guerre civile, ils sont, eux, paisiblement
rassemblés dans les ateliers et les
champs, occupés à nourrir, à enrichir
cette société ingrate que vous les accusez
de battre en brèche. Vous déclamez, ils se
taisent ; vous jouissez de la vie,
ils souffrent, et tandis que vous avez en
héritage la fortune et l’oisiveté, ils
conquièrent leur pain et le vôtre par le
travail. Les voilà ces formidables
conspirateurs ! Les voilà tels que la
réalité nous les montre !
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