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Le
grotesque scientifique fut de tous les âges ;
mais il faut reconnaître que les diverses étapes du
progrès en ont considérablement atténué le caractère
et la forme. Les découvertes modernes ont tant
détruit de préjugés inouïs et d'idées bizarres que
l'Excentrique d'autrefois ne saurait être
raisonnablement considéré et traité comme celui
d'aujourd'hui.
C'est au XVIe siècle que j'emprunte le
premier exemple :
– L’Œcoïatrie, laquelle contient en soy grands
secrets, assavoir des remèdes qu'on peut tirer des
plantes, des urines, des os, des limaçons, de la
carie des bois, des vieilles tuylles et pots
cassez, etc.,
par CHRISTOPHE LANDRE, médecin d'Orléans. – Nérac,
impr. C. Gobert, s.d. [vers 1560], in-8°.
Le ridicule du titre et du contenu de ce livre est
dû moins à l'initiative de l'auteur qu'à l'ignorance
de son temps. Tout cela est prodigieux sans doute,
mais fort sérieusement écrit, et témoigne surtout de
l'état rudimentaire de la science médicale de
l'époque et de l'ébahissante pharmacopée alors en
usage.
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C'est
encore un auteur probablement étranger à l'Agenais
qui me fournira le second article :
– Nouvelle Histoire extraordinaire d'une fille
qui vit encore, du diocèse d'Agen ; laquelle
a vomi plusieurs horribles animaux
acatiques en vie et de diferente espèce :
expliquée par des raisonnemens nouveaux et
phisiques, par
P. Montresse, maistre ès Arts et docteur en
Médecine de l'Université de Toulouse. – Toulouse,
impr. Vve de P. Rey, 1695, pet. in-12
de 14 ff.
n. chiff. et 286 pp., avec une planche sur
parchemin.
Il s'agit d'une jeune Agenaise âgée de vingt ans en
1690, Marie Mercié, de la « paroisse de
Saint-Avit-de-Lède, juridiction de la
Capelle-Biron ».
Le suave docteur Montresse, sur lequel je n'ai
malheureusement pas d'indications précises, disserte
ici avec une naïveté et un sérieux auxquels on
voudrait bien pouvoir ne point croire. Il ne
sourcille même pas pour déclarer qu'à son avis le
cas de la fille Mercié est étranger à la possession
et à la sorcellerie !
Rien ne saurait, d'ailleurs, donner une idée exacte
de la planche qui orne le volume et qui a pour titre
spécial : Figures d'Animaux vomis en vie
par une fille de vingt ans, l'an 1690 (Fig.
I : Salamandre d'eau ; fig. II : Cabot
d'eau ;
fig. III : Scarbot d'eau ; fig. IV. Crapaut
d'eau).
Il serait difficile, je pense, de trouver une œuvre
scientifique plus singulière ; aussi me
permettra-t-on d'hésiter à présenter d'autres
élucubrations qui, plus ou moins étranges
assurément, sont bien loin d'atteindre à ce degré
peu commun de haute curiosité.
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