Éditions  PLEIN CHANT
Collection Gens singuliers



Un extrait de Excentriques et grotesques littéraires de l'Agenais (1895)
par Jules Andrieu, secrétaire perpétuel de la Société des Sciences, Lettres et Arts d’Agen. Officier de l’Instruction publique,
reproduit dans O. Delepierre, Histoire littéraire des fous
Histoire littéraire des fous,
par Octave Delepierre,

avec des écrits sur ce thème par Ch. Nodier, L. Greil, J. Andrieu, G. Hécart, etc.
2015

  
(pp. 247-248)

DERNIERS EXCENTRIQUES
   
Le grotesque scientifique fut de tous les âges ; mais il faut reconnaître que les diverses étapes du progrès en ont considérablement atténué le caractère et la forme. Les découvertes modernes ont tant détruit de préjugés inouïs et d'idées bizarres que l'Excentrique d'autrefois ne saurait être raisonnablement considéré et traité comme celui d'aujourd'hui.
C'est au XVIe siècle que j'emprunte le premier exemple :

L’Œcoïatrie, laquelle contient en soy grands secrets, assavoir des remèdes qu'on peut tirer des plantes, des urines, des os, des limaçons, de la carie des bois, des vieilles tuylles et pots cassez, etc., par CHRISTOPHE LANDRE, médecin d'Orléans. – Nérac, impr. C. Gobert, s.d. [vers 1560], in-8°.

Le ridicule du titre et du contenu de ce livre est dû moins à l'initiative de l'auteur qu'à l'ignorance de son temps. Tout cela est prodigieux sans doute, mais fort sérieusement écrit, et témoigne surtout de l'état rudimentaire de la science médicale de l'époque et de l'ébahissante pharmacopée alors en usage.

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C'est encore un auteur probablement étranger à l'Agenais qui me fournira le second article :

– Nouvelle Histoire extraordinaire d'une fille qui vit encore, du diocèse d'Agen ; laquelle a vomi plusieurs horribles animaux acatiques en vie et de diferente espèce : expliquée par des raisonnemens nouveaux et phisiques, par P. Montresse, maistre ès Arts et docteur en Médecine de l'Université de Toulouse. – Toulouse, impr. Vve de P. Rey, 1695, pet. in-12 de 14 ff. n. chiff. et 286 pp., avec une planche sur parchemin.

Il s'agit d'une jeune Agenaise âgée de vingt ans en 1690, Marie Mercié, de la
« paroisse de Saint-Avit-de-Lède, juridiction de la Capelle-Biron ».

Le suave docteur Montresse, sur lequel je n'ai malheureusement pas d'indications précises, disserte ici avec une naïveté et un sérieux auxquels on voudrait bien pouvoir ne point croire. Il ne sourcille même pas pour déclarer qu'à son avis le cas de la fille Mercié est étranger à la possession et à la sorcellerie !

Rien ne saurait, d'ailleurs, donner une idée exacte de la planche qui orne le volume et qui a pour titre spécial : Figures d'Animaux vomis en vie par une fille de vingt ans, l'an 1690 (Fig. I : Salamandre d'eau ; fig. II : Cabot d'eau ; fig. III : Scarbot d'eau ; fig. IV. Crapaut d'eau).

Il serait difficile, je pense, de trouver une œuvre scientifique plus singulière ; aussi me permettra-t-on d'hésiter à présenter d'autres élucubrations qui, plus ou moins étranges assurément, sont bien loin d'atteindre à ce degré peu commun de haute curiosité.


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