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(p. 227, puis p. 229)
Fernand
Desnoyers
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En 1856, Fernand Desnoyers écrivait au Figaro : « Les nouveaux poètes, ceux qui ont créé dans la forme ou dans le fond, sont : Pierre Dupont, Gustave Mathieu, Charles Baudelaire, Théodore de Banville et moi ! retenez ces noms-là ». Eh bien ! je puis assurer que ce n'était pas là tout à fait la pensée de Fernand, que du moins, cette phrase n'en était que l'expression adoucie, car si Desnoyers, – laissant de côté toute modestie, – eût écrit carrément ce qu'il pensait, cela faisait une affaire de dix mots, pas plus : il n'y a qu'un poète, et c'est moi. Jadis, j'avais la faiblesse de m'indigner contre ces gens qui font la roue pour se mirer dans leurs propres plumes… depuis, j'en ai tant vu et qui n'avaient rien pour les faire excuser que je souris aujourd'hui aux sorties vaniteuses des hommes de talent. Et vraiment, ce doit être si bon de croire en soi, – et de le dire. Retenez mon nom, disait Fernand, et il avait raison, c'est celui d'un poète, d'un vrai poète ; cette personnalité cassante et vaniteuse qu'il promenait bruyamment au milieu de nous, était bien à lui ; elle n'était point faite de bric et de broc et lui appartenait telle quelle, toute entière ; – il faut l'en féliciter et lui en tenir compte. Comme ses confrères, Desnoyers disait volontiers ses vers (quand on le priait un peu), mais il choisissait son endroit, son heure et son public, un public peu nombreux, bien qu'assez mêlé et dans lequel le lettré et la fille dominaient… mais avant tout, un public de sensations et que Desnoyers n'eût pas changé avec raison contre toute la clientèle du Petit Journal. Il est bien peu de cabarets à la mode dont les murs n'aient entendu, vers les trois heures du matin : les Assassins du vin, le Mariage dans les blés, ou Madame Fontaine… Quant au grand public, au public composé de tout le monde, Desnoyers le haïssait, le méprisait, il n'avait jamais assez d'invectives pour le conspuer :
Mais laissons là ces folies ; j'ai dit que Fernand
Desnoyers était un vrai poète, […]
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