Éditions  PLEIN CHANT

Fernand TOURRET



Branle des petits seigneurs du Pays de Thelle
Éditions Plein Chant, Bassac, 1981
Hors collections
Page 9, Glose, par Fernand Tourret, puis L'Âtre bruit des ans,  page 14.





9
GLOSE

(…)

J'habitais tout près du Pays de Thelle. Je m'avisai qu'il avait des analogies avec mon Forez natal ; avec aussi mes Combrailles ancestrales : petits biens, clos et proches, d'où communes ; gens de petite noblesse, mais spontanée encore, souvent travaillant de leurs mains autant que de leur intelligence spéculative. Ils vivaient en hommes libres sur ces parcelles qu'ils aimaient, parce que chargées de leurs souvenirs d'enfants, où leurs enfants avaient fait des huttes. Il y subsistait des objets d'hoiries plus lointaines.

Les adultes aimaient piétiner la terre, aller par les chemins anciens pour des rencontres où tenir des parleries ; parfois remémorer des tragédies vécues ou des frairies, où il y avait danses dont les phases maintenant sont devenues incertaines. Les souvenirs sont de tout ça.

Le branle fut chez nous une danse piétinée, un peu abrupte, avec certaines phrases coupées de rondes tournantes, plus lentes. La vielle un peu aigre y maintenait la mesure et – autant qu'elle pouvait – marquait le sentiment.

D’où vient ce titre ; il fallait l’expliquer : il peut paraître insolite.





 




  

14

L'Âtre bruit des ans

Ce crépitement que répercute la voûte
De briques recuites chaque an
C'est l'obscure mémoire des temps
Gardée secrète, grimoire que le rabot ne délivre
Qui vient ici s'abolir en criant
Pour la chaleur qu'elle offre à nos reins tristes.
Cernes d'aubier où tracent larmes
Pluies et vents, ou denses enserrent
La mince épargne aux années de misère.
Bel an qui passe ici où la flamme grandit ;
Un homme meurt, un enfant naît, une femme
Attend, déjà veuve et qui l'ignore.
Chuintement des pleurs ultimes
D'un monde qui cendres vient
Où le neuf langeait l'ancien.
Le feu mord, atteint ce plan qui l'enveloppe
Linceul roulé sur un printemps d'espoir
Tôt en allé vers les déboires de l'été.
L'arbre tendait sa branche à tout oiseau.

Ecoute : aux landiers ces discours murmurés
Sont les jours en allés,
Vécus par les obscurs
Dans les années perdues.


 







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