Quand il
dessine, il dessine en peintre ; quand il
grave un bois, il devient tour à tour peintre et
sculpteur. Il sait, sans doute, qu'un bois est,
avant tout, une symphonie en blanc et en
noir ; l'idée ne lui est jamais venue de
diminuer ses oppositions, et d'amollir ses valeurs
en passant, au pochoir, du rouge, du bleu ou du
jaune sur les épreuves qu'il obtient. Mais, chez
lui, les blancs et les noirs sont déjà de la
peinture, la lumière de sa gravure dépasse son
dessin. À la vérité, et je m'aperçois ainsi que la
classification des œuvres de Germain Delatousche
en peintures, dessins, aquarelles et gravures sur
bois est arbitraire, ses aquarelles sont traitées
comme des tableaux à l'huile, ses dessins sont des
dessins de peintre, ses xylographies sont des
tableaux qui mettent en relief toutes les
modulations de la lumière.
Et ces xylographies sont, comme sa peinture, dans
la belle tradition française. Elles participent de
ce vieux métier, qui n'a pu faire aucun progrès
depuis l'origine, qui permet de traduire
excellemment le tempérament de l'artiste. Car le
trait, c'est le graphique de l'âme. Germain
Delatousche a découvert, un jour, l'âme du vieux
Paris, il l'a accordée à la sienne propre. Vieux
métiers, vieux paysages. Lutte entre l'artiste et
la dure matière, science instinctive du bois,
force et adresse. Car le bois résiste au couteau
et met souvent sa fibre ou son nœud comme une
barricade au chemin de traverse du trait. Mais la
difficulté surmontée, l'artiste cherche à rendre
l'essentiel de l'expression, sans fantaisie, sans
détail superflu. Le noir et le blanc, la masse et
le trait, suffisent au jeu des lumières, à la
profondeur, à l'atmosphère. L’image prend corps et
vie sous le burin. Je ne connais guère de
créations avec des moyens plus élémentaires, que
ces gravures sur bois. Elles puisent leur force
dans leur netteté, leur probité, dans
l'intelligence qui a présidé au choix. Peut-être,
chez Delatousche, le xylographe tient-il plus
encore du magicien que du peintre, il joue de la
seule lumière, s'exprime par de simples rapports,
transcrit par la stricte analogie des formes. Art
d'équilibre s'il en est, et pour lequel notre
artiste est passé maître.
L'illustration, d'ailleurs, a trouvé en lui un
ouvrier de premier ordre. On pourrait croire
qu'illustrer un livre est un ouvrage de
décorateur, que la virtuosité de l'artiste suffit
à la tâche. On sait, pourtant, que la gravure sur
bois est le procédé le plus typographique
d'illustration, qu'il est le seul entrant vraiment
dans le corps de la composition, qu'il est un
procédé d'imprimerie et non un enjolivement, une
surcharge, à l'encontre de la taille douce et de
la gravure en couleurs qui détonnent,
généralement, dans les livres les mieux réalisés.
On oublie, cependant, que la composition du livre,
sa présentation, sa mise en pages ne sont pas
tout. Le texte aussi compte ; il est même
l'essentiel, l'esprit de l'œuvre. La grande tâche
de l'illustrateur n'est donc pas uniquement de le
décorer avec bonheur, de présenter son unité pour
l'œil, mais de trouver l'accord unique entre la
réalisation matérielle et le contenu intellectuel.
L'image est le commentaire exact du texte, chacune
trouve son répondant dans telle page, dans telle
ligne, avec – et c'est là l'œuvre
d'art – l'atmosphère générale de
l'ouvrage.