Éditions  PLEIN CHANT
Collection TYPE-TYPE

GERMAIN DELATOUSCHE
Bois gravés – Dessins – Quelques peintures

Témoignages & Documents

par
Lucien Bourgeois, René Virard, Georges Turpin,
Jean-Daniel Maublanc, Henry Poulaille, J.G. Robert Treno

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Un texte


    

Un  passage, pages 92 et 93, portant sur l'art de la xylographie tel que l'entendait Delatousche, pris dans  Germain Delatousche, par Jean-Daniel Maublanc (1941), dont il est donné de nombreux extraits.
    


Quand il dessine, il dessine en peintre ; quand il grave un bois, il devient tour à tour peintre et sculpteur. Il sait, sans doute, qu'un bois est, avant tout, une symphonie en blanc et en noir ; l'idée ne lui est jamais venue de diminuer ses oppositions, et d'amollir ses valeurs en passant, au pochoir, du rouge, du bleu ou du jaune sur les épreuves qu'il obtient. Mais, chez lui, les blancs et les noirs sont déjà de la peinture, la lumière de sa gravure dépasse son dessin. À la vérité, et je m'aperçois ainsi que la classification des œuvres de Germain Delatousche en peintures, dessins, aquarelles et gravures sur bois est arbitraire, ses aquarelles sont traitées comme des tableaux à l'huile, ses dessins sont des dessins de peintre, ses xylographies sont des tableaux qui mettent en relief toutes les modulations de la lumière.
Et ces xylographies sont, comme sa peinture, dans la belle tradition française. Elles participent de ce vieux métier, qui n'a pu faire aucun progrès depuis l'origine, qui permet de traduire excellemment le tempérament de l'artiste. Car le trait, c'est le graphique de l'âme. Germain Delatousche a découvert, un jour, l'âme du vieux Paris, il l'a accordée à la sienne propre. Vieux métiers, vieux paysages. Lutte entre l'artiste et la dure matière, science instinctive du bois, force et adresse. Car le bois résiste au couteau et met souvent sa fibre ou son nœud comme une barricade au chemin de traverse du trait. Mais la difficulté surmontée, l'artiste cherche à rendre l'essentiel de l'expression, sans fantaisie, sans détail superflu. Le noir et le blanc, la masse et le trait, suffisent au jeu des lumières, à la profondeur, à l'atmosphère. L’image prend corps et vie sous le burin. Je ne connais guère de créations avec des moyens plus élémentaires, que ces gravures sur bois. Elles puisent leur force dans leur netteté, leur probité, dans l'intelligence qui a présidé au choix. Peut-être, chez Delatousche, le xylographe tient-il plus encore du magicien que du peintre, il joue de la seule lumière, s'exprime par de simples rapports, transcrit par la stricte analogie des formes. Art d'équilibre s'il en est, et pour lequel notre artiste est passé maître.
L'illustration, d'ailleurs, a trouvé en lui un ouvrier de premier ordre. On pourrait croire qu'illustrer un livre est un ouvrage de décorateur, que la virtuosité de l'artiste suffit à la tâche. On sait, pourtant, que la gravure sur bois est le procédé le plus typographique d'illustration, qu'il est le seul entrant vraiment dans le corps de la composition, qu'il est un procédé d'imprimerie et non un enjolivement, une surcharge, à l'encontre de la taille douce et de la gravure en couleurs qui détonnent, généralement, dans les livres les mieux réalisés. On oublie, cependant, que la composition du livre, sa présentation, sa mise en pages ne sont pas tout. Le texte aussi compte ; il est même l'essentiel, l'esprit de l'œuvre. La grande tâche de l'illustrateur n'est donc pas uniquement de le décorer avec bonheur, de présenter son unité pour l'œil, mais de trouver l'accord unique entre la réalisation matérielle et le contenu intellectuel. L'image est le commentaire exact du texte, chacune trouve son répondant dans telle page, dans telle ligne, avec – et c'est là l'œuvre d'art – l'atmosphère générale de l'ouvrage.






Une image


Rue du Mont-Cenis (18e arrondissement)
Bois gravé pour Paris perdu,
éditions du Rocher, Monaco
1944

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