Lucien Bourgeois 
Faubourgs, douze récits prolétariens
Notice par Camille Estienne
 
                Lucien Bourgeois (1882-1947) | 
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               Publiés au cours des années
                  vingt, les récits de Faubourgs apportent un
                  témoignage accablant sur la vie des prolétaires de la
                  proche banlieue de Paris dans les premières décennies
                  du vingtième siècle – depuis les années 1900-1910,
                  années de jeunesse de Lucien Bourgeois, jusqu’au
                  milieu et à la fin des années vingt, où apparaissent
                  de nouveaux problèmes liés au travail et au logement
                  et où s’affirme l’influence du Parti communiste dans
                  le monde ouvrier. Plusieurs récits peignent la
                  condition misérable des jeunes filles et des enfants.
                  Ainsi « Histoire de Marie » qui évoque les
                  vingt premières années de la propre sœur de Bourgeois,
                  ou « Gégène l’orphelin » dont le destin
                  rappelle celui d’Eugène, le fils de son jeune frère,
                  Firmin, tué à la guerre de 14. Le souvenir de cette
                  guerre hante aussi le terrible « Lit
                  n° 16 » où Lucien Bourgeois évoque les
                  derniers jours de sa mère dans la salle commune d’un
                  hôpital parisien. Dans « Le ventriloque »
                  sont contés les efforts immenses et voués à l’échec
                  consentis par un couple d’ouvriers pour conquérir
                  « le luxe d’un véritable chez soi » et
                  échapper à la vie en garni en achetant leur propre
                  maison. C’est une lutte à armes inégales dans laquelle
                  les plus pauvres sont les premières victimes des
                  marchands de rêve. L’œuvre de Lucien Bourgeois
                  témoigne ainsi d’une méditation ininterrompue sur la
                  profondeur des injustices sociales, dont la violence
                  et le caractère injustifiable, bien que souvent
                  dissimulés par l’habitude ou par la résignation, se
                  manifestent brutalement pour peu qu’on les regarde en
                  face. Une telle lucidité interdit à
                  Pierre, le personnage central de
                  « Jeunesse », d’être du côté des
                  « endormeurs », qui s’accommodent de l’état
                  du monde, mais elle ne le porte pas non plus à croire
                  trop facilement à la « délivrance inéluctable et
                  prochaine » promise par les révolutionnaires –
                  d’où son tourment. Toutefois, quand, après avoir
                  ruminé ces pensées, il retourne à son poste de
                  travail, il trouve dans la présence inattendue d’une
                  jeune ouvrière à l’essai le signe de vie qu’il
                  attendait obscurément. La présence de cette
                  « petite femme d’usine » lui fait éprouver
                  « un sentiment très doux, sensuel et
                  tendre » dans la promesse de « l’unique joie
                  qu’on possédait vivant ». Et c’est aussi cette force de la
                  vie cherchant à se libérer qui pousse les deux
                  adolescents de « Daphnis et Chloé » à fuir
                  une existence d’exploitation sur fond de chômage et
                  d’alcoolisme. Ce conte tragique relate la tentative
                  d’évasion d’un jeune homme de dix-sept ans et de son
                  amie un peu plus jeune, fuyant les faubourgs de la
                  misère pour la proche campagne, où ils découvrent
                  « la vraie grandeur du ciel » et l’amour. La
                  tentative échoue – « la vie, après la société,
                  les rejetait à son tour » – mais la gravité avec
                  laquelle Lucien Bourgeois évoque la vie libre des deux
                  adolescents dans les premiers jours de leur fugue
                  montre combien il comprend et justifie cet effort un
                  peu désespéré pour accéder à un « paradis
                  perdu ». Également disponible : ![]() Bois gravé de Germain Delatousche,
                  grand ami de Lucien Bourgeois. 
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