On n'attrape pas
les morts,
On attrape les vivants...
Il y a
plus de sagesse, de connaissance de la vie et
de poésie spontanée dans ce distique sans
prétention que dans toutes les idéologies
filandreuses et emmêlées du fameux
académicien.
Devant la
France nationaliste, M. Maurice Barrès
symbolise la Lorraine. Devant le suffrage
universel, il représente le quartier des
Halles. Quelle situation compliquée !
M. Léon
Blum fait dire à Gœthe dans ses vivantes et
courageuses, bréviaire de sincérité
littéraire : « Dans quelque
vingt-cinq ans, le groupe de la Revue
Blanche
ou du Mercure sera le monde
académique ; et les jeunes gens de ce
temps-là attaqueront les gloires surfaites
et les nullités parvenues, comme cela se
passe aujour-d'hui. » Pour une fois,
Gœthe a manqué de clairvoyance. Les jeunes
d'aujourd'hui lèchent les pieds des nullités
parvenues et les gloires surfaites ont une
cour.
Il est un
crime qui doit peser sur la conscience de la
jeunesse littéraire de ce temps, si cette
conscience et cette jeunesse existent :
Nous avons laissé représenter le Beethoven de
M. Fauchois.
Je ne
sais rien de plus mufle qu'un vieil écrivain
qui n'a rien fait. Si : un jeune écrivain
qui ne fera rien.
Je
redoute moins l'attaque de l'apache que
l'accolade du jeune confrère.
Quand
certains poètes parlent de la flûte de Pan, je
songe invinciblement au mirliton de deux sous,
autour duquel leurs vers s'enroulent.
On m'a
dit : « Il en coûte de dire ce que
l'on pense. » J'ai répondu :
« Je ne pense pas à ce qu'il peut m'en
coûter. »
Il fait
beau voir reprocher à Dostoiewsky, à Thomas
Hardy, à Octave Mirbeau, leur pessimisme, leur
vision désolée et cruelle de la vie et des
hommes, le caractère exceptionnel et morbide,
pour tout dire, de leurs œuvres. Voudrait-on,
par hasard, qu'ils eussent la santé de MM.
Marcel Prévost, René Bazin et Michel
Provin ?
Je ne
connais pas dix jeunes écrivains. Je n'ai
qu'un ami. Je vis solitaire dans un coin de
campagne. Pourtant, quand je travaille, je ne
suis jamais seul. Ceux que j'admire se
penchent parfois sur la page que j'écris… Et,
si je faute (1), j'entends la rude voix de
Flaubert qui me gourmande…
Plus d'un
soir, j'ai pleuré sur l'épaule de Verlaine…
Telle
silhouette de femme, au crépuscule, m'a plus
enseigné que toute une bibliothèque.
Il faut
avoir tout lu, tout appris et tout oublié.
Puis, partir, à son tour, comme un pauvre, un
bâton à la main, sur les chemins de la vie.
(1) FAUTER
n'est pas français, dites-vous ? Je le
regrette (note de l'auteur).