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Les boudins
par
Edmond Duranty
(extrait)
Mon ami, le peintre Gautier, comme un bon
petit bon Dieu, a tiré l'autre jour de ses
poches, qui m'avaient semblé toutes
petites, deux grands boudins, l'un blanc,
l'autre noir, et me les a donnés.
Je ne savais vraiment
quel était le meilleur, du peintre Gautier
ou des boudins mais, lorsque j'eus
étendu sur le gril ces deux bâtons de fine
graisse qui eussent fait envie à
Polichinelle, je me suis dit : « Bon,
jamais le peintre Gautier, mis sur le
gril, ne sentirait si bon et ne serait si
agréable à manger que le boudin noir ou le
boudin blanc. »
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Petit essai sur
les vins dans leur rapport avec la
conversation
par
Edmond Jaloux
(extrait)
Avec
lui [le Bordeaux], parlons de morale
légère, de philosophie souriante, de
psychologie (mais à fleur de peau), de
science amusante (physique, mécanique,
anticipations à la Wells, avenir des
avions, chirurgie). Un aimable
scepticisme ne lui messied pas :
c'est le vin de Montaigne.
(…) Avec le Bourgogne rouge, (…)
l'esprit devient volontiers religieux,
les problèmes de métaphysique s'étendent
devant lui dans toute leur noblesse ;
s'il porte à la science, c'est à la
psychoanalyse ; il a pour poète
Baudelaire, pour romanciers Dostoïewsky,
Stendhal, Meredith.
(…) Le Beaujolais nous ramène sur terre
; il nous rendrait les sentiments du
Bordeaux, mais avec plus de sécheresse,
à la fois, et d'inquiétude ;
il est ambigu, il nous pousse à désirer
autre chose, à nous déclarer
insatisfaits. Une légère irritation se
mêle à son charme ; en le
buvant, il est tolérable que l'on parle
de soi.
(…)
Et pour terminer, je conseille à ceux
qui aiment à parler politique de boire
de la bière !
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