Éditions PLEIN CHANT
Marginalia



Fernand Fleuret abomine l'expérimentation






 LE

CANCER DU SAPIN
  par Fernand Fleuret
                      

À Pierre Mac Orlan,
Gentilhomme de fortune.
 

À Phébus le verd laurier,
À Minerve l’olivier,
Et le beau pin à Cybelle.
(Ronsard. Odes, L. 4, XIII.)



Pierre, véla que l’on décœuvre,
Ai-je lu ce matin dans l’Œuvre,
L’art d’inoculer le Cancer,
Non plus à quelque pauvre chair
D'escurieux ou de guenuche,
Ou de sarigue ou de perruche,
De souriquet ou de lapin,
Mais à l'écorce du Sapin !
Bientôt, le même barbacole
Inoculera la Vérole
A cette colonne d'airain
Dont Vendôme fut le parrain ;
Dans un lustre, plus de muraille,
Plus de plâtras, plus de ferraille,
Plus même de petits cailloux
Qui n'aient la gale comme nous !
(Par nous, Pierre, j'entends les autres,
Pour qui je dis cent patenôtres.)
C'est que Thomas Diafoirus
Cherche d'éprouver son virus,
Tel un bourgeois qui va-t-en-chasse,
Ne rencontrant point de bécasse,
Fait connaître à tout passereau
Qu'il a puissance de bourreau,
Si qu'il égale, avec sa poudre,
Jupin, prodigue de son foudre !
Encor, Pierre, ce bougre-là
Se vante d'être un Attila,
Il le jure devant les Astres :
Mais, contemple ces merdicastres
Qui professent de tout guérir
Et ne font que tout dépérir,
Qui, plus néfastes que la grêle,
Vont s'acharner contre Cybèle,
Contre son plus cher ornement,
Contre le corps de son amant,
Atys, que, dans le sable aride,
Elle dérobe à Sangaride !
(…)




Les Marges, 15 novembre 1919.
 

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