Vous êtes chez un libraire
d’occasion ; vous fouinez et vous tombe entre
les mains un livre illustré, de 250 pages chiffrées,
plus la table des matières, illustrée.
Vous ne résistez pas à la tentation, et
emportez ce livre signé du nom d’auteur Paul
Devaux-Mousk, illustré par Galice, édité en 1887 par
Ed[ouard] Monnier et Cie,
7, rue de l’Odéon. Vous apprenez rapidement que Paul
Devaux, né en 1855, mort on ne sait quand ni où,
avait utilisé le nom Mousk, seul, comme pseudonyme,
en particulier dans La Vie parisienne — un
de ses nombreux pseudonymes, car il fut encore
Gygès, Un pompier (Un coin de l'Eden, par Un
Pompier, Paris, Librairie théâtrale, 1885), Docteur
Luiz, Paul d’Haudicourt.
Les têtes que l'on voit en bas de couverture sont
celles des « fleurs
de persil » du livre. On appelait fleurs
du persil les filles qui faisaient le
trottoir ; Émile Goudeau leur avait consacré,
en 1878, un recueil de « petits poëmes
parisiens », Fleurs du bitume (Alphonse
Lemerre). Bitume, trottoir, on comprend ;
mais pourquoi le persil ? Le persil fut
longtemps employé pour faire avorter une femme
enceinte, et au centre de la couverture, on voit
un bébé dodu accroché à une branche de persil. Les
fleurs de persil du livre de Paul Devaux sont onze
actrices plus ou moins célèbres — plutôt moins que
plus, qui « vivaient du
stupre » (Paul Devaux s'exprimait ainsi). On
comprend qu’elles n’aient pas envie d’être mères,
mais sans doute faut-il prendre le mot
« persil » au sens argotique. Émile
Goudeau avait eu cet alexandrin pour donner
à voir des racoleuses : « On les voit
persiller autour du lac major » (« Les
Affranchies », dans Fleurs du bitume). Laurent Tailhade
écrivit une Ballade pour exalter les doyennes
du persil (Au pays du Mufle, Bibliothèque
Artistique et Littéraire, 1894, p. 57) avec ce
refrain :
Los aux vieilles putains d'ans et d'honneurs
chargées
Alfred Delvau avait défini persiller :
« Se
promener le soir, quand on est putain libre, sur
le trottoir des rues et des boulevards où l’on est
assurée de rencontrer des hommes qui bandent ou à
qui l’on promet de les faire bander » (Dictionnaire
érotique moderne, nouvelle édition,
rééditée en 1960 Au Cercle du Livre Précieux). Et
le persil ? Pour Charles Virmaître (Dictionnaire
d’argot fin-de-siècle, Paris, A. Charles
libraire, 1894), le peuple applique l’expression
« aller au persil » ou « faire le
persil » aussi bien aux filles de la rue qu’à
celles du boulevard, parce que la fille trotte
dans la boue, qu’elle a donc les pieds sales. Or
on disait, dans l’argot des souteneurs, d’une
fille aux pieds malpropres : « Elle a du
persil dans les pieds ». Une explication
à vrai dire peu convaincante.
Charles Virmaître paraît avoir trouvé la véritable
origine du verbe persiller :
« Persiller est une
déformation du mot : pessiller, prendre qui signifie : pêcher,
hameçonner.
Au moyen âge on disait : pescaille pour poisson pêché.
L’expression de persiller est entrée dans le
langage actuel, aussi bien dans celui du peuple
que dans celui du monde, […] elle a remplacé
l’expression de racoler, raccrocher,
ramener,
d’ailleurs elle exprime énergiquement ce qu’elle
veut dire. Pour la Persilleuse, l’homme est une
proie, comme le poisson pour le pêcheur
[…] » (Charles Virmaître, Paris-Impur (1889), Paris,
1891, ch. III, p. 82 et suiv.).
_ * _
L’auteur de
Fleurs du persil
présente son livre :
Suivent deux pages que l'on omettra. Arrive
le plat de résistance,
composé de dix courtes notices biographiques
consacrées à Léa
d'Asco, Irma de Bury et Jeanne de Bury (deux
sœurs, unies dans une seule notice), Marthe
Devoyod, Jager, Delphine de Lizy, Jeanne de Marsy,
Noémy Müller, Fanny Robert, Thérèse Rubens, Pépina
Sognato. Galice a choisi une illustration
différente pour chacune de ces femmes, mais qui se
répète, identique, sur toutes les pages de la
notice. Son style est déjà très chargé et
ornementé, si bien que l'impression d'ensemble est
celle d'une sorte d'étouffement, mais, on ne sait
pourquoi, aucunement désagréable, au
contraire.
Une des pages consacrées
à Léa d'Asco :
Une page parmi les vingt-six qui nous font
connaître Delphine de Lizy :
Pour
terminer cette courte anthologie, un petit aperçu
de Noémie Müller :
F I N
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