Éditions PLEIN CHANT
Marginalia




De 2013 à 1900







Un habitant de la Terre ayant l'habitude d'un printemps tiède et d'un été chaud, soudain dérouté durant le printemps et l'été 2013 ?
Non, un chauffeur 1900.
– D'où vient-il ?
– D'un livre…


Ah ! Et lequel ?








Deux courts extraits de Paul Morand, 1900 (paru en 1931) :


Ce style 1900 infecte d'ailleurs la littérature toute entière. Jamais on n'écrivit aussi prétentieusement mal. Dans les romans, la particule est obligatoire : ce ne sont que des Madame de Scrimeuse, des Madame de Girionne, des Madame de Charmaille, des M. de Phocas ; des noms à coucher dehors : des Yanis, Damosa, lord Eginard. Tout le monde est neurasthénique, tout le monde s'appelle Lilian, Liliane, Liane, Eliane. Gide lui-même, qui se distingue déjà de son milieu « décadent », par une langue simple et belle, n'échappe pas tout à fait à l'écriture artiste (p. 179).


C'est l'époque du calembour dont, depuis la mort récente de Willy, les charmants Grosclaude et Curnonsky sont aujourd'hui les derniers représentants. (« Garçon, l'audition ! », « La colle aux quintes », « Notes sans portée », etc., jusqu'aux récents « Mémoires d'Outre-bombe »). Fils cadet du jeu de mots, le calembour, en 1900, envahit la scène, le prétoire, les journaux, le Parlement, la poésie de Rostand. Après avoir disparu pendant vingt ans, il réapparaît aujourd'hui à l'extrême-gauche et prend sa place dans la clinique de Freud. Les Légendes du Moyen âge, de Gaston Pâris, qui viennent de paraître, entretiennent le culte fervent du néo-gothique : ce ne sont que Graals, Ysoldes, Dames à la licorne. Pierre Louys écrit : le throne ; on trouve partout des abymes, des ymages, emmy les fleurs, etc… Triomphe de l’y (p. 180).




Paul Morand donne ensuite des exemples de style héroïque, chroniqueur léger, artiste, etc. Un de ses deux exemples de style  artiste :

« Alice, alanguie de cette lassitude qui la fait comme brisée, s'était jetée au travers d'un divan, à même un écroulement de coussins où sa longue robe de dentelles blanches s'évasait et flottait avec des pâleurs de linceuls; ses deux petits pieds gantés de soie rose avaient laissé choir leurs mules ; Jacques de Tracy, assis à l’extrémité du divan, les avait pris entre ses mains, tandis que Maxime Daufre, installé, lui, sur un pouf auprès de la belle fille étendue, attardait ses doigts dans les mèches soyeuses et parfumées d’une brune chevelure éparse… » (p. 182)
(Jean Lorrain. Histoires de masques.)




Mais Paul Morand n'avait sûrement pas lu Histoires de masques dans Modern-Bibliothèque.

F I N


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