Deux courts extraits de Paul Morand, 1900 (paru en 1931) :
Ce style 1900 infecte
d'ailleurs la littérature toute entière.
Jamais on n'écrivit aussi prétentieusement
mal. Dans les romans, la particule est
obligatoire : ce ne sont que des
Madame de Scrimeuse, des Madame de
Girionne, des Madame de Charmaille, des M.
de Phocas ; des noms à coucher
dehors : des Yanis, Damosa, lord
Eginard. Tout le monde est neurasthénique,
tout le monde s'appelle Lilian, Liliane,
Liane, Eliane. Gide lui-même, qui se
distingue déjà de son milieu « décadent », par une langue
simple et belle, n'échappe pas tout à fait
à l'écriture artiste (p. 179).
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C'est
l'époque du calembour dont, depuis la
mort récente de Willy, les charmants
Grosclaude et Curnonsky sont aujourd'hui
les derniers représentants.
(« Garçon,
l'audition ! », « La
colle aux quintes », « Notes
sans portée », etc., jusqu'aux
récents « Mémoires
d'Outre-bombe »). Fils cadet du jeu
de mots, le calembour, en 1900, envahit
la scène, le prétoire, les journaux, le
Parlement, la poésie de Rostand. Après
avoir disparu pendant vingt ans, il
réapparaît aujourd'hui à
l'extrême-gauche et prend sa place dans
la clinique de Freud. Les Légendes
du Moyen âge, de Gaston Pâris, qui
viennent de paraître, entretiennent le
culte fervent du néo-gothique : ce
ne sont que Graals, Ysoldes, Dames à la
licorne. Pierre Louys écrit : le throne ;
on trouve partout des abymes, des
ymages, emmy les fleurs, etc… Triomphe
de l’y (p. 180).
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Paul
Morand donne ensuite des exemples de style héroïque,
chroniqueur léger, artiste, etc. Un de ses deux
exemples de style artiste :
« Alice, alanguie de cette
lassitude qui la fait comme brisée,
s'était jetée au travers d'un divan, à
même un écroulement de coussins où sa
longue robe de dentelles blanches
s'évasait et flottait avec des pâleurs de
linceuls; ses deux petits pieds gantés de
soie rose avaient laissé choir leurs
mules ; Jacques de Tracy, assis à
l’extrémité du divan, les avait pris entre
ses mains, tandis que Maxime Daufre,
installé, lui, sur un pouf auprès de la
belle fille étendue, attardait ses doigts
dans les mèches soyeuses et parfumées
d’une brune chevelure éparse… » (p.
182)
(Jean Lorrain. Histoires de masques.)
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