Éditions PLEIN CHANT
Marginalia


Chiffres, Lettres & Poésie

            
 
     
Au XVe siècle parut un petit in-folio de 223 pages, Le doctrinal du temps présent, compilé par maistre Pierre Michault, secrétaire du très puissant duc de Bourgoingne (Charles de Bourgogne), imprimé à Bruges par Colard Mansion. Sur le dernier folio, en guise de date d'imprimerie – en réalité la date où fut achevé le texte – un quatrain, suivi de deux lignes d’information :

   

Un trepier et quatre croissans
Par six croix avec six nains faire
Vous feront estre congnoissans
Sans faillir de mon miliaire


Cy fine le doctrinal du temps present
Imprime par Colart mansion a bruges



Décryptage, proposé par Édouard Rouveyre (Connaissances nécessaires à un bibliophile, É. Rouveyre éditeur, 1899), t. II, p. 211 : le trépied signifie un M ; les quatre croissants, quatre C ; les six croix, six X, et les six nains, six I. Réunit-on les lettres capitales, on obtient : MCCCCXXXXXXIIIIII, ce qui, traduit selon les conventions qui régissent les dates en chiffres romains donne : MCDLXVI, autrement dit 1466. Six nains font six I parce que le I représente un un (un nain) dans les chiffres romains.
Quittons les livres pour un bâtiment, lui aussi daté d'une manière cryptée, et lui aussi mentionné et commenté par Édouard Rouveyre (ibid., p. 215). Charles de Bovelles, chanoine de Saint-Quentin, avait donné la date de construction de l'hôtel de ville :

   

D'un mouton et de cinq chevaux
Toutes les testes prendrez,
Et à icelles sans nuls travaulx
La queue d'un veau joindrez,
Et au bout vous ajouterez
Tous les quatre pieds d'une chatte
Rassemblez et vous apprendrez
L'an de ma façon et de ma date.



La tête du mot mouton est la lettre M ; cinq têtes de chevaux donnent cinq C ; la queue de veau est un U (que l'on écrivait U) ; les quatre pattes d’une chatte, – écrit Rouveyre, mais aussi bien d’un chat ! – sont droites comme des I. Résultat :  M.CCCCC.V.IIII, soit 1509.

Répandu à l'époque de François Ier, un proverbe cité par Jean-François Dreux du Radier (Récréations historiques, critiques, morales et d’érudition, Paris, 1767), t. I, p. 170, versifié dans un but mnémotechnique, sans rien d'une devinette mais jouant avec les chiffres écrits en lettres, disait :

  


Lever à cinq, dîner à neuf,
Souper à cinq, coucher à neuf,
Fait vivre d'ans nonante & neuf.



Précisons : plus tard, le proverbe, si l’on en croit une note du Tableau des mœurs françaises aux temps de la chevalerie, par Pierre Louis de Rigaud comte de Vaudreuil, Paris, 1825, t. IV, p. 282, devint :

  


Lever à six, dîner à six,
Souper à six, coucher à dix,
Fait vivre d'ans dix fois dix.







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