Vous demandez comment on
fait fortune ? Voyez ce qui se passe au
parterre d’un spectacle, le jour où il y a
foule ; comme les uns restent en arrière, comme
les premiers reculent, comme les derniers sont
portés en avant. Cette image est si juste que le mot
qui l’exprime a passé dans le langage du peuple. Il
appelle faire fortune, se pousser. Mon fils, mon
neveu se poussera. Les honnêtes gens
disent, s’avancer, avancer, arriver, termes adoucis, qui
écartent l’idée accessoire de force, de violence,
de grossièreté ; mais qui laissent subsister
l’idée principale.
Il y a des hommes qui ont
le besoin de primer, de s’élever au-dessus des
autres, à quelque prix que ce puisse être. Tout leur
est égal, pourvu qu’ils soient en évidence sur des
tréteaux de charlatan ; sur un théâtre, un
trône, un échafaud, ils seront toujours bien, s’ils
attirent les yeux.
Il y a des siècles où
l’opinion publique est la plus mauvaise des
opinions.
Quand on veut éviter
d’être charlatan, il faut fuir les tréteaux ;
car, si l’on y monte, on est bien forcé d’être
charlatan, sans quoi l’assemblée vous jette des
pierres.
Il est plus facile de
légaliser certaines choses que de les légitimer.
On peut considérer
l’édifice métaphysique de la société comme un
édifice matériel qui seroit composé de différentes
niches, ou compartiments, d’une grandeur plus ou
moins considérable. Les places, avec leurs
prérogatives, leurs droits, etc., forment ces
divers compartiments, ces différentes niches.
Elles sont durables, et les hommes passent. Ceux
qui les occupent sont tantôt grands, tantôt
petits, et aucun ou presque aucun n’est fait pour
sa place. Là, c’est un géant, couché ou accroupi
dans sa niche ; là, c’est un nain sous une
arcade : rarement la niche est faite pour la
stature. Autour de l’édifice circule une foule
d’hommes de différentes tailles. Ils attendent
tous qu’il y ait une niche de vide, afin de s’y
placer, quelle qu’elle soit.
La plupart des
institutions sociales paroissent avoir pour objet
de maintenir l’homme dans une médiocrité d’idées
et de sentiments qui le rendent plus propre à
gouverner ou à être gouverné.
|