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C'est la saison des vacances… Aller au bord de la
mer ? Pourquoi pas ?
Prendre des bains de mer pour son seul plaisir,
l’idée, de nos jours, manque d’originalité, ce qui
n’était pas le cas autrefois, lorsque l'expression aller
à la mer prenait un sens particulier.
Dans la Correspondance littéraire, philosophique
et critique…,
par le baron de Grimm et Diderot (Paris, 1812, t.
II, décembre 1771, p.
125), on peut lire cette épigramme, envoyée à La
Harpe, directeur du Mercure, par Linguet
(Henri-Simon-Nicolas L.), son ennemi littéraire,
le lundi 5 novembre 1771, et publiée dans la Correspondance
littéraire le
mois suivant :
La
Harpe, dites-vous, m’a fait une morsure
Et le roquet s’en vante à
découvert
Madame,
en êtes-vous bien sûre,
Car,
pardieu ! j’irais à la mer.
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Disons-le tout
net, l’épigramme se présente plutôt comme une
énigme. C’est qu’au dix-huitième siècle, on croyait
encore, et depuis plusieurs siècles, que plonger
dans la mer un malade mordu par un chien enragé le
guérirait infailliblement.
Au chapitre « Des Chiens », dans Les
Serées de
Guillaume Bouchet (plusieurs volumes, publiés à
partir de 1584), il est traité de cette guérison.
Les uns « tiennent que
la rage est guerie si on fait des pilules du
crane d’un homme pendu ». Mais on n’a pas
toujours sous la main le crâne d’un homme pendu. Aussi, « les autres
asseuroient que l’eau de la mer guerissoit
les enragez, si on les jette dedans : &
de faict, on les mene maintenant à la mer, comme
le plus assure remede, & les guerit par une
vertu falsitive, comme fait le lard vieil, &
comme la morsure des serpents se guerit par la
salive, à cause du sel. Combien qu’aucuns ont
voulu dire, que ce n’estoit point la vertu de
l’eau de la mer qui les guerissoit, mais que cela
se faisoit par une crainte qu’on leur donne quand
on les jette à l’impourvueuë dans l’eau, qui
chasse une autre peur qu’ils ont de l’eau :
car nous trouvons plusieurs maladies se perdre par
une soudaine frayeur : à cause que
les amas d’humeurs s’escartans çà & là,
s’evacuent plus facilement, l’humeur evacuée la
maladie s’appaisant » (Guillaume
Bouchet, Les Serées, édition de C. E.
Roybet, 6 vol., Paris, Alphonse Lemerre, 1873, t.
I, Premier Livre, Septiesme Serée, Des
Chiens, p.
45).
Le Journal du
marquis de Dangeau (Paris, Firmin Didot frères, fils et Cie,
1856, t. VIII, p. 286) apprenait à ses
lecteurs, à la date du vendredi 6 janvier 1702,
que « M. le duc de Vendôme prit congé du roi
pour s’en aller à la mer, ayant été léché d’un
chien enragé ». En 1864, le Journal
du Loiret du 22 juillet citait
« un savant distingué », M. de
Thémines, qui avait rapporté la guérison d’un
malade par un bain de mer, néanmoins précédé
d’une mastication de feuilles de noyer :
« On fit tout simplement mâcher pendant
longtemps des feuilles de noyer à une personne
mordue par un chien enragé, et on la plongea à
plusieurs reprises dans l’eau de mer ».
Bonnes baignades à
vous !
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