Éditions PLEIN CHANT
M a r g i n a l i a

  
17 juin 2016


Quelques têtes de poètes

prises dans la Physiologie du Poëte, par Sylvius





PHYSIOLOGIE DU POËTE,
par Sylvius,

Illustrations de DAUMIER.

Extraits.



  


  
l


Edmond Texier (1815-1887) connu surtout comme journaliste fit paraître en 1842 (Paris, Jules Laisné, éditeur), peut-être déjà en 1841, sous le pseudonyme de Sylvius, la Physiologie du Poëte, illustrée par Daumier. Ce n’était pas son unique déguisement, en 1842 on pouvait lire L'Ane d'or. Recueil satirique, par Peregrinus (Paris, Lavigne), qui lui fut attribué. Lui fut encore attribué un recueil au titre accrocheur – à lire à haute voix –, Nouveaux Portraits de Kel-Kun, paru en 1876 (Paris, Calmann-Lévy).

On donne ci-dessous quelques images des poètes épinglés dans la Physiologie du Poëte. A tout seigneur, tout honneur, le petit livre s’ouvre sur « Le poète Olympien », où l’image de Victor Hugo en bébé génial est complétée par un second portrait, celui d'un penseur adulte assis sur un fauteuil dans le ciel de l'Olympe, accablé par son propre génie, – déjà vu au frontispice. De Lamartine, qui suit Victor Hugo, Edmond Texier veut bien reconnaître le talent, mais, ajoute-t-il en s'adressant au poète, « ce que je vous reprocherai toute ma vie, c’est d’avoir engendré une foule de poëtaillons sans force, sans haleine, sans courage, branches mortes d’un arbre majestueux ». Viennent ensuite des portraits plus généraux : les Poètes Humanitaire, Intime (c’est Sainte-Beuve), Touriste, Catholique, Biblique, Cavalier-Régence (peut-être Roger de Beauvoir), Cavalier-Lara (Alfred de Musset), Dynastique, Académique, de Salon, Rébusien, Prolétaire, Hurleur, Chansonnier, de Romances, et pour finir, « La Dixième Muse », Delphine Gay.




LE POËTE OLYMPIEN



« Ce n’est pas seulement sur la littérature proprement dite que l’Olympien prétend exercer une suprématie illimitée ; il est encore le plus grand architecte, le plus grand peintre, le plus grand orateur et le plus grand politique de son époque : son cerveau encyclopédique embrasse l’universalité » (page 27).
LE POËTE LAMARTINIEN




« Le maître est un peu mou, les disciples sont flasques. M. de Lamartine, soit impuissance, soit paresse d’esprit, soit mépris du lecteur, se donne rarement la peine de chercher au delà du cercle parcouru un horizon plus varié ; il se contente des effets connus, et n’en veut pas de nouveaux ; son vers et sa pensée viennent au monde sans effort, mais un peu au hasard. Si son vers est beau, tant mieux ; mais s’il se traîne péniblement sur ses douze pieds, s’il est malingre et chétif, il restera toujours comme cela : le poète n’a pas le temps de le soumettre à l’orthopédie de la forme » (page 31).
LE POËTE DE SALON

Le poète de salon est celui qui emplit de ses vers les albums de ces messieurs et dames reçus dans les salons. Il
« demande trois secondes de réflexion pour improviser un sonnet ou un dithyrambe, au choix ; alors on fait passer le jeune poëte dans un cabinet, et on lui donne cinq minutes pour se recueillir. L’improvisateur, ainsi livré à lui-même, se couche sur un divan, se fait des grimaces dans la glace, rajuste ses cheveux, ou s’occupe à jongler avec des chandeliers. Au bout des cinq minutes, il prend un air inspiré, rentre au salon, et écrit sans rature un sonnet qu’il tient en réserve pour ses petites improvisations de société » (page 86).



LE POËTE RÉBUSIEN

« Pendant que (…) M. Hugo prêchait, que M. Dumas feuilletonnisait, et que M. de Jouy radotait, lui, calme comme l’homme d’Horace, composait tranquillement, dans l’arrière-boutique d’un confiseur de la rue des Lombards, des distiques mielleux, sucrés, savoureux et troubadours, – il emmaillottait (sic) ses bonbons de sentences amoureuses, et enrubannait de rébus sentimentals le primitif Mirliton, ce journal innocent à la portée de toutes les intelligences et qui a les cinq parties du monde pour abonnés » (page 90).

LA DIXIÈME MUSE





À gauche, la reproduction, page 115, de la vignette de la page de titre, qui représente Delphine Gay dans sa jeunesse :
« Appuyée sur son divin théorbe, elle fendait vos ondes dociles, ô lac immortel ! comme la déesse Cythérée, dont elle semblait la fille, tandis que les Zéphyrs inquiets, voltigeant autour d’elle, poussaient sa nef vagabonde. Et quand elle revenait sur le sol sacré de la patrie, les élèves de rhétorique  lui adressaient des stances, et quelles stances ! Les académiciens déposaient leurs cartes chez son portier, et le Journal des Débats la proclamait la Muse de la Patrie (…) » (page 117).


À droite, les imitatrices :
« la dixième Muse s’est multipliée dans une proportion effrayante ; elle a poussé sans culture, comme les champignons, dans les feuillets satinés des revues, dans les colonnes des feuilletons, et à la quatrième page des journaux [la page consacrée à la réclame]. Elle a disputé pied à pied le terrain de la presse aux notabilités masculines ; elle a eu ses éditeurs, son public et ses claqueurs ; elle a fait du métier comme tout le monde,
l’infortunée ! » (page 118).


Accueil | Archives de Marginalia 2016












l

,