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Dialogue entre l'auteur et son
libraire
L'auteur
du dialogue servant d'avant-propos, ci-dessous,
est Cousin d'Avallon (1769-1840), auteur, ou
plutôt compilateur, du Fontainiana,
tandis que le libraire P. représente les
frères Pillot.
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DIALOGUE ENTRE L'AUTEUR ET SON
LIBRAIRE
— P… Eh ! bien, C… que
m’apportez-vous aujourd’hui ?
— C… Je vous
offre le Fontainiana.
— P… Encore
un ana ! Mais pourquoi donc fouiller toujours
dans les vieux répertoires ? Il me semble,
mon cher, que les auteurs vivans ont assez
d’esprit…
— C… Allons,
vous êtes comme tous vos confrères : vous les
croyez sur parole.
— P… Ce Jean
de La Fontaine me plaît, et votre titre me
séduit ; mais soit dit sans vous fâcher, tout
le monde sait par cœur les fables et les contes de
La Fontaine, vous ne nous apprendrez rien, et
cependant
Il nous faut du nouveau, n’en
fut-il plus au monde !
— C…
Eh ! qui vous parle de fables, de
contes ?… Vous trouverez dans mon ana
plusieurs anecdotes ignorées encore du
public ; des naïvetés, des pièces inédites,
et entr’autres l’éloge de la galle.
— P… L’éloge
de la galle !… Eh bien ! mon cher, c’est une
affaire conclue. Un éloge !… Cela fait
toujours plaisir, pourvu qu’on loue, tout est
bon. D’ailleurs, je préfère vos petits ana qui
se vendent, à tous ces gros et ennuyeux volumes
qui encombrent ma boutique.
— C…
C’est cependant dans ces gros livres, que certains
auteurs vivans……
— P…
Paix ! parlez plus bas, je ne veux pas de
querelles avec ces messieurs : je crains
autant leur colère que leurs ouvrages.
— C…
Taisons-nous, j’y consens. Laissons-les mourir en
paix, et sur-tout gardons-nous de les lire :
je fus toujours de l’avis de ce bon
La Fontaine :
Les longs ouvrages me font
peur,
Loin d’épuiser une matière,
On n’en doit prendre que la fleur. |
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