Éditions PLEIN CHANT

M a r g i n a l i a

 
21 juillet 2017





Bio, pas Bio, pré-Bio ?
ou
Lait médical et carottes ferrugineuses



  



Rodolphe Darzens, né en 1865 près de Moscou, mort en 1938 à Paris, poète symboliste ayant publié en 1885 La Nuit. Premières poésies 1882-1884, puis, en tant que prosateur, Nuits à Paris. Notes sur une ville, illustrations par A. Willette (E. Dentu, 1889), auteur d’une édition de Rimbaud contestable et contestée : Poésies complètes, avec préface de Paul Verlaine et notes de l'éditeur (Paris, Léon Vanier, 1895), dirigeait à partir de 1917 le théâtre des Arts, boulevard des Batignolles. Vers 1921-1922, il cherchait une pièce pour son théâtre, quand René Saunier, auteur dramatique et son voisin aux Batignolles lui en proposa une, sur le bolchevisme, écrite avec André Salmon — ce sera Natchalo (le commencement, en russe) portant sur la révolution d’octobre 1917 — mais non écrite encore ! Saunier et Salmon se mettent au travail et les spectateurs du Théâtre des Arts purent assister le 7 avril 1922 à Natchalo, Scènes de la révolution russe.

Darzens, du temps qu’il occupait un petit pavillon à Neuilly, assorti d’un étroit jardin orné de quelques géraniums, écrivait André Salmon au chapitre « Une étoile rouge au ciel des Batignolles » de ses mémoires (Souvenirs sans fin. 1903-1940, nouvelle édition, Gallimard 2004, p. 834), « présenta en diverses expositions internationales : le Lait médical et la Carotte ferrugineuse. Sans étable ni champ. Je veux ignorer d’où mon cher vieux Darzens tirait ses carottes réputées ferrugineuses ; quant au lait […] ». Le lait de Darzens, d’après André Salmon renseigné par son ami, le peintre Jean Crotti, habitant Neuilly et se fournissant chez la meilleure crémière de la commune, venait de chez cette crémière, qui s’était glorifiée de fournir en lait « Monsieur Darzens ».

Jean-Jacques Lefrère, dans Les saisons littéraires de Rodolphe Darzens (Fayard, 1998), contestera les propos d’André Salmon, à ses yeux mémorialiste à ne pas lire en toute confiance. Il semble qu’André Salmon a connu la seule propriété où s’était installé Darzens vers 1897, alors qu’il en acheta une plus grande, en 1912, boulevard de la Saussaye, comprenant une écurie abritant des chèvres et quatre vaches jersiaises (le nom de la race renvoie à l’île de Jersey), donnant un lait riche en matières grasses et en protéines. Citons Lefrère : « Les Darzens [Rodolphe et sa compagne Marie] consommaient à toute heure du jour et de la nuit le lait caillé de leurs vaches et vendaient l’excédent. Cette alimentation lactée avait été recommandée à Darzens pour prévenir une rechute de la tuberculose » (p. 603). Lefrère, pour sa part, trouve le « lait médical » quelque peu mystérieux, mais se montre sûr de lui en ce qui concerne les carottes ferrugineuses, car il a trouvé le compte-rendu d’une exposition agricole qui en faisait état.



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