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Quelle
serait une société universelle qui n’aurait
point de pays particulier, qui ne serait ni
française, ni anglaise, ni allemande, ni
espagnole, ni portugaise, ni italienne, ni
russe, ni tartare, ni turque, ni persane, ni
indienne, ni chinoise, ni américaine, ou
plutôt qui serait à la fois toutes ces
sociétés ? Qu’en résulterait-il pour
ses mœurs, ses sciences, ses arts, sa
poésie ? Comment s’exprimeraient des
passions ressenties à la fois à la manière
des différents peuples dans les différents
climats ? Comment entrerait dans le
langage cette confusion de besoins et
d’images produits des divers soleils qui
auraient éclairé une jeunesse, une virilité
et une vieillesse communes ? Et quel
serait ce langage ? De la fusion des
sociétés résultera-t-il un idiome universel,
ou y aura-t-il un dialecte de transaction
servant à l’usage journalier, tandis que
chaque nation parlerait sa propre langue, ou
bien les langues diverses seraient-elles
entendues de tous ? Sous quelle règle
semblable, sous quelle loi unique existerait
cette société ? Comment trouver place
sur une terre agrandie par la puissance
d’ubiquité, et rétrécie par les petites
proportions d’un globe fouillé
partout ? Il ne resterait qu’à demander
à la science le moyen de changer de planète.
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Qui
est l'auteur de ce texte ?
Réponse : Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe,
livre quarante-quatre, chapitre 6.
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