« J'ai peur de ne plus parler français
[…]. Le français de M. Scribe, celui de la
Montansier, celui des estaminets, celui des
lorettes, des concierges, des réunions bourgeoises,
des salons, commence à s'éloigner des traditions du
grand siècle. La langue de Corneille et de Bossuet
devient peu à peu du sanscrit (langue savante). Le
règne du prâcrit (langue vulgaire)
commence pour nous, – je m'en suis convaincu en
prenant mon billet et celui de mon ami, – au bal
situé rue Honoré, que les envieux
désignent sous le nom de Bal des Chiens. Un habitué nous a
dit : Vous roulez (vous entrez) dans le
bal (on prononce b-a-l), c'est assez rigollot
ce soir.
Rigollot signifie amusant.
En effet,
c'était rigollot. »
(Nerval, Œuvres complètes,
Les Nuits d'octobre. Paris, Pantin et Meaux,
VIII. Pantin, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 1993, t.
III, p. 322.)
NOTE
la Montansier :
Mademoiselle Montansier, une intelligente
aventurière qui se lança en ouvrant un salon de jeu
rue Saint-Honoré. Protégée par des hommes divers,
par Marie-Antoinette également, elle inaugura un
théâtre à Versailles en 1777. En 1790, elle ouvre le
Théâtre Montansier au Palais-Royal, qui changera
plusieurs fois de nom pour devenir le Théâtre des
Variétés. Quelques théâtres plus tard, elle mourra le 13 juillet 1820, âgée de
quatre-vingt-dix ans.