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Quand viennent les périodes électorales la France est vraiment alors «une infernale cuve», où bouillonnent toutes les vanités, où grouillent toutes les ambitions, où écument toutes les haines, où s'agitent toutes les fièvres, où se pavanent tous les orgueils. C'est l'époque critique de notre nation. Et, grâce à la merveilleuse organisation du suffrage universel, il y a maintenant chez nous de ces crises-là tous les quatre ans. Chacun veut alors dire son petit mot, développer son petit système, exposer son petit programme, poser sa petite personnalité. Le progrès, c'est moi! La question sociale, c'est moi! Le bonheur du peuple, c'est moi!… Ô carnaval de la politique! ô mascarade de toutes les tartuferies! ô irruption de tous les déguisements! ô danse de Saint-Guy de toutes les prétentions! ô descente de la Courtille de tous les égoïsmes!... Ainsi que l'escargot au printemps sort de sa coquille, ainsi que la chenille au soleil de mai devient papillon, ainsi que le rhume en hiver se change en fluxion de poitrine, le Français, aux mois d'élections, devient naturellement candidat. Candidat!… Ce mot magique donne le vertige à tous les partis, et, pendant trois semaines, fait prononcer plus de discours, écrire plus de lignes, noircir plus de papier qu'il ne s'en prononce, ne s'en écrit et ne s'en noircit pendant les quatre ans d'accalmie. Conservateurs et révolutionnaires, farceurs et gens sérieux, tous, alors, paient de leur personne et adressent aux électeurs les plus éloquents, les plus pressants, les plus abondants appels. Leurs professions de foi s'étalent partout: sur les boutiques fermées, sur les murs libres, sur les planches des maisons en construction, sur les colonnes Rambuteau, sur les water-closets, sur les parapets des ponts, sur les bornes des routes, sur les portes des mairies, sur les façades des églises, sur les palais de nos anciens Rois, et même - sacrilège profanation de la nature! - sur les grands arbres qui bordent les chemins. Toutes les surfaces disponibles sont tatouées de promesses mirifiques et de déclarations surprenantes. C'est une véritable orgie d'affiches, de pancartes et de placards. C'est une vraie débauche de couleurs. Quand la place manque, on usurpe. Ôte-toi de là que je m'y mette. |
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