Éditions PLEIN CHANT

Marginalia










On se souvient de Frédéric Lefebvre, évoquant en public, le front plissé par la concentration et les yeux dans le lointain,  sa lecture quotidienne de Zadig et Voltaire, un livre si enrichissant, si profond, si chargé de sens, etc., etc. Un bibliomane (mais il n'était pas un homme politique) s’était autrefois ridiculisé de pareille manière, si du moins l’on en croit Fabien Pillet.
Fabien Pillet (1772-1855), sous la Restauration chef de bureau au ministère de l’Instruction publique, producteur de quelques articles pour la Biographie Michaud, collaborateur au Journal de Paris, tout cela pour gagner sa vie, s’amusait à écrire des épigrammes. Lisant Drôleries poétiques. Contes Joyeux et facéties (Garnier frères, 1872),


Épigraphe

et souffre qu'il dénoue
Le voile qui couvrait ses plus secrets appas.

Page 361.


on est tombé (p. 9) sur « L’Amateur de livres », signé F. Pillet.



Certain bibliomane, ignorant personnage,
        Se piquant d’être connaisseur,
Demandait à Panckoucke un magnifique ouvrage ;
En lui laissant le choix du genre et de l’auteur.
        « Parbleu, s’écria le libraire,
        Que ne me parliez-vous plus tôt ?
        J’avais ce matin votre affaire,
        C’était le plus bel exemplaire
        Du Télémaque de Didot.
— De Didot ? Télémaque ! — Eh oui ! chacun l’admire.
        — Je le connais, il a du bon :
        Mais tenez, vous avez beau dire,
J’aimerai toujours mieux celui de Fénelon. »

Cette épigramme avait été prise (p. 9 également, le hasard…) dans Bigarrures anecdotiques ; contes, sornettes, épigrammes, pièces de circonstance, souvenirs, etc., par Fabien Pillet (Paris, chez les marchands de nouveautés, 1838), intitulée « Le Bibliomane, anecdote véritable. 1792 » et pourvue d'une note précisant que Panckoucke  était un « Nom célèbre dans les lettres et dans la librairie ». En 1792, LE Télémaque de Didot désignait :


Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse, par M. de Fénelon. Imprimé par ordre du Roi pour l'éducation de Monseigneur le Dauphin (Paris, Imprimerie de François-Amboise Didot, dit Didot l'aîné, 1783). Tiré à  250 exemplaires, 2 volumes grand in-4° sur papier vélin, planches gravées par Jean-Baptiste Tilliard d'après les dessins de Charles Monnet.
Le livre, somptueux cela va de soi, inaugurait la Collection des auteurs classiques françois et latins. Voir
:
http://expositions.bnf.fr/livres-enfants/grand/005.htm


Quant à Fabien Pillet, on retiendra cette autre épigramme de son cru, destinée à Baour-Lormi
an (Bigarrures…, p. 75) :




Triste ou plaisant, fade ou sublime,
Chaque auteur porte son cachet ;
De là vient que le plus discret
Ne saurait garder l'anonyme ;
Par exemple, voyez Balourd :
Quand il veut nous tracer l'image
D'un pédant bien sot et bien lourd,
Comme il se peint dans son ouvrage !

Baour-Lormian ne pouvait pas ne pas répondre, et sur la même page des Bigarrures on lisait :



               Je ne répondrai point à ce censeur bénin :
                    Son vers me tient lieu de satire,
               Et j'ai cru lui jouer un tour assez malin
                   Puisque je l'ai forcé d'écrire.






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