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Vous avez un manuscrit, mais pas d'éditeur ? Avec ces conseils éclairés, nul doute que vous parviendrez à vos fins, en prenant soin, toutefois, de les adapter au goût du jour.




  
PREMIEREMENT.
- Je fis présent de mon ouvrage à un imprimeur, à condition qu'il me le dédierait et que, dans une préface longue et ennuyeuse, selon l'usage, il me demanderait pardon de m'avoir fait voler mon manuscrit, après m'en avoir offert en vain une somme considérable. Qu'au surplus, il espérait le pardon de son larcin en faveur de l'obligation que le public lui aurait et du zèle avec lequel, etc.

SECONDEMENT. - Je me fis graver à grands frais. Je composai moi-même les vers qu'on mit au bas de la gravure. Je soutins ensuite avec la dernière effronterie qu'un ami avait prêté un de mes portraits à son graveur et avait, malgré moi, placé mon estampe à la tête de mes ouvrages.

TROISIEMEMENT. - Je convins avec l'imprimeur, pour la gloire de mon livre, qu'après avoir fait la planche, il en tirerait tout de suite six éditions ; mais chacune de cent exemplaires seulement, sur du papier superbe, le tout enrichi de vignettes, de culs ou de fonds-de-lampe et d'estampes magnifiques, pour la commodité des étrangers qui n'entendent pas le français, dussé-je ne passer que pour un marchand d'images.

QUATRIEMEMENT. - Je donnai à dîner aux petits aboyeurs du Parnasse, qui, d'après mon cuisinier, me jugèrent un homme admirable, divin, incomparable. Aussi, dès le lendemain, les journaux furent inondés de vers à mon honneur.

CINQUIEMEMENT. - Je portai modestement mon coup d'essai à deux ou trois de nos critiques le plus en crédit ; mais, fort heureusement pour moi, je n'eus pas l'impudeur de vanter leur prétendue philosophie. Je me doutais que le plus petit intérêt ferait un jour de mes athées autant de capucins indignes.





Un abbé galant, tels ceux qui hantaient les salons du dix-huitième siècle, jeune encore et inexpérimenté, avait composé des contes en vers par lesquels il espérait séduire Mme de la Césure. Ils furent trouvés charmants, l'abbé les inséra dans les journaux, mais la belle demandait plus et mieux :  un livre. Le soupirant eut recours à son mentor, qui lui donna les conseils qui viennent d'être cités, efficaces en effet puisque l'abbé put prendre « la route du bosquet enchanté : qu’il est touffu ! qu’il est sombre ! qu’il est doux de s’y perdre ! (…) ».

L'historiette fut contée dans Le Soupé des petits-maîtres (vers 1770), par Cailhava de L'Estendoux.
Et nous l'avons trouvée dans
Le Souper des petits-maîtres (Paris, Le livre du bibliophile, collection le Coffret du Bibliophile Illustré, 1956), p. 123 et suivantes.

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