Noël 2010
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«UN POURVOYEUR. voulant acheter du poisson,
dit: Ma bonne femme, n'avez-vous point là de bon
saumon frais?
LA POISSONNIÈRE. Samon
framan! Du saumon frais! en va vous en cueilly, Parette!
Ste viande-là est un peu trop rare. Ce ne sont point
viande pour nos oyseux: car j'iré bouté de seize à
dix-huict francs à un meschant saumon, et vous m'en
offrirez des demy-pistoles. Et nennin, je ne somme pas si
babillarde; je n'avon pas le loisi d'allé pardre note
argent pour donné des morciaux friands à monsieur à nos
dépens. Si vous voulez voir un sot mon, allez vous en sur
la butte de Montmartre, note homme dit que c'est un sot
mont: car darnierement, quand il estet yvre, il se laissit
tombé du haut en bas, et cela ne l'y coustit rien.»
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GLOSE Ces quelques lignes
sont extraites d'une pièce in-8° de 1644: Nouveaux complimens de la
place Maubert, des halles, cimetiere S.-Jean,
Marché-Neuf, et autres places publiques. Ensemble la
resjouissance des harangères et poissonnières faite
ces jours passés au gasteau de leurs Reines,
publiée dans les Variétés
littéraires de la Bibliothèque Elzevirienne
(1859, t. IX, p. 229) par Édouard Fournier, qui
en a modernisé - très peu - le titre et l'a
surtout annotée. Publiant cette pièce datant du siècle
de Louis XIV, il voulait montrer que le langage
poissard n'avait pas été inventé, comme le répétait
l'histoire littéraire, par Vadé ou par Pierre Boudin,
auteur en 1754 de la comédie-parade Madame Engueule, ou Les
accords poissards, puisque les
poissonnières du XVIIe
siècle possédaient déjà leur «catéchisme poissard».
Le jeu de mots «sot mont» appelle, de la part d'Édouard Fournier, cette note acide: «Voilà un calembour qui a été repris bien souvent. M. de Bièvre fut le premier plagiaire». Et enfin, la pièce entière, avec les notes d'Édouard Fournier, a été republiée dans la revue Plein Chant n° 21, Juillet-Septembre 1984, Rustiques, pp. 38-44. |
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