Nouvel An |
2011 |
Louis Scutenaire
pour nous aider à entrer dans la nouvelle année. On peut le faire en deux styles différents. - Quelque chose de nouveau
advient – malgré nous – et nous écrase. Consentir?
Sûrement pas. Puisque le pire est sûr, accentuons-le
encore.
Ce sera À l'aube.
- Par tradition, la semaine du Nouvel An est vouée aux curiosa. Voici Poème drôle, illustré par Henry Meyer. |
À l'aube Tous les ans le premier jour Les hommes fleurissent la statue de
l'ennui
Avec des orties des cactus de la ciguë de
l'épine-vinette
Autour du monument ils font la ronde à dos
tourné
L'effigie se trémousse rigole se penche à
gauche se penche à droite
Il n'y a point de fois où il n'y ait un
orage
Des éclairs à briser les roches fondre
l'acier
Des coups de tonnerre marteau-pilon
Les chaussées deviennent rivières les
prairies étangs
À la fin le ciel touche la terre lourd aux
épaules
1982
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Poème drôle À Saint-Amand-Montrond Au mitan de la France Une fille très belle Et de fort bonne grâce Que chacun aimait fort Monta dans les nuées Avec huit jeunes femmes Le quinze de septembre Pour se plaindre au Seigneur Des misères du temps De la plaie des campagnes Du vacarme des ruches Des averses d'automne Des fournaises d'été Des fraîcheurs du printemps Des glaces en hiver Du laitier mort trop jeune De sa mère au cercueil Des boulangers partis Pour cause de vacances Des boucheries fermées Pour la même raison Des plombiers introuvables Des ouvriers idiots «Vous pensez
trop mes filles
Leur dit le gros barbu Je ne suis pas le maître Le maître est le Fatum Il me régente aussi L'allez donc voir ensemble Vos visages plairont Leur charme attendrira» Le Fatum est aveugle Hélas ! et il est sourd Il a le nez bouché Au parfum des girons Il leur tourna le dos Belles redescendirent Jupons par-dessus tête Au cœur de Saint-Amand Dévoilant leur secret Pour les regards charmés Des garçons de Montrond |
P l u s Le surréaliste belge
Louis Scutenaire (1905-1987)
a publié aux éditions Plein Chant Ab hoc et ab hac –
une formule consacrée à traduire par : Pêché çà et
là – en 1986, dans la collection La tête reposée.
Les deux textes ci-dessus, À l'aube et Poème drôle, en sont extraits; le
premier ferme le recueil, le second se trouve page 12.
L'illustration (crayon, lavis, gouache blanche),
robuste et goguenarde, face au Poème drôle, est de Henry Meyer. Un
numéro de la revue Plein
Chant (1986, n° 33-34) a été consacré à
Louis Scutenaire, en un dossier préparé par Alain
Delaunois. Il est épuisé.
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