Sur la tradition
du livre
par
Paul Tavernier
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[…] Il y a de nos jours
des livres, en très grand nombre,
derrière lesquels se sont des machines qui
parlent : leur langage est sans
profondeur, grisâtre, car la machine n'invente
pas ; elle reproduit à
l'infini un schéma une fois pour toutes établi. Ce
sont des livres sans âme et
sans mémoire qui nous assaillent.
Cependant, notre époque a
connu, connaît, connaîtra ses
chercheurs, ses créateurs originaux, ses
rénovateurs qui ne sont d'ailleurs pas
obligatoirement de modestes imprimeurs égarés au
fond des campagnes. La
couverture de la collection blanche des éditions
Gallimard, qui en a fait rêver
plus d'un, s'inscrit dans la plus pure tradition
classique où le noir alterne
avec le rouge depuis tantôt cinq siècles. Et quand
Albert Skira fit dessiner
son caractère pour Les Sentiers de la Création, il reprit le chemin qu'un siècle
auparavant avait emprunté Louis
Perrin en étudiant pour créer son type augustal
les inscriptions des monuments
romains de Lyon et les typographies de la
Renaissance. C'est de Perrin que
s'inspirera, après tant d'autres, Jacques
Haumont dans les années 50 pour les
Editions d'Histoire et d'Art, tandis que le plus
célèbre typographe de notre
temps, Guy Lévis Mano, aura su allier 1'élégance
des impressions du XVIe
siècle avec la belle violence des illustrations
modernes et créer entre elles
une complémentarité unique, qui est sa marque et
son titre de gloire. Et
comment ne pas nommer ici cet autre créateur
unique, Pierre Faucheux (il est
aussi architecte…), qui fit un temps pour
différents clubs de lecture et pour
Jean‑Jacques Pauvert les
maquettes les plus justes, les plus indiscutables
qu'on ait pu souhaiter, tant
il prenait les textes, c'est le cas de le dire,
au pied de la lettre, tant il savait aussi
inscrire dans ses travaux sa
propre liberté. Les chemins qu'il emprunte
aujourd'hui sont plus confus mais
nous lui devons d'avoir compris, voici vingt
ans, comment aborder un livre, le
concevoir, le réaliser…
[…]
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