Revue
PLEIN CHANT
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LE COMMIS-POËTE
Air : Calpigi C'est mon commis qui fait ma gloire À sa santé nous allons boire Il est poëte en lui j'ai là Une machine à Lariffla Je paye une muse à l'année En lui, ma maison couronnée Passe à l'actif des lauriers verts Vive un commis qui fait des vers. Lui seul fait ma correspondance Écrit, répond… quand il y pense En collaborateur parfait Les vers je les signe, il les fait Et l'on se dit de proche en proche Pour les dessins rimés, Laroche Est le premier de l'univers Vive un commis qui fait des vers. Quand je veux des couplets de fête Pour qu'il s'inspire je lui prête Béranger, Molière… ou Dumas Qu'il me rend – s'il ne les perd pas Mais je garde pour hypothèque Au fond de ma bibliothèque Tous ses drames rongés aux vers Vive un commis qui fait des vers. Sonne un Anglais, client sublime Lui prêt d'éternuer une rime Ouvre sans savoir ce qu'il fait L'un dit Oh! l'autre Ah! bel effet Voyant son air rêveur… ou bête L'anglais part, se fourrant en tête Qu'on l'a regardé de travers Vive un commis qui fait des vers. S'il part toucher une facture Il vague, il rôde à l'aventure Et le soir rentre à la maison Ayant en poche une chanson Sur l'air « l'or est une chimère » Et, réalité trop amère « Pas, dit-il, de bureaux ouverts » Vive un commis qui fait des vers. Flâneur, la rime est son excuse Je ne dis pas qu'il en abuse Mais, grand Dieu ! si l'on calculait Le prix de revient du couplet Au bout de l'an quel dividende Hugo, m'en ferait, de commande Pas meilleurs, c'est vrai, mais moins chers Vive un commis qui fait des vers. Paris 1846
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Grâce aux
commentaires de Pierre Brochon (Plein Chant, p. 90), on sait que le
commis poète est Pottier lui-même, et Laroche – celui
qui s'exprime dans les couplets – son patron
depuis environ 1838. Dessinateur chez Laroche jusque
1864, Pottier à la fin de sa vie jugeait avoir
été exploité par lui : en tout cas, il l'écrivit
dans une lettre à Lafargue, que l'on pourra lire dans la
revue.
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