Éditions PLEIN CHANT
Apostilles

   Alfred de Musset sous toutes les coutures - IV   


J'avais souvent le vertige. Il me semblait que les objets tournaient et moi avec eux. Si une jeune femme s'offrait par hasard à ma vue, elle me paraissait vivement enluminée et resplendissante d'un feu pareil à des étincelles électriques.

L'humeur échauffée de plus en plus, et trop abondante, se portait dans ma tête et les parties de feu dont elle était remplie, frappant vivement contre la vitre de mes yeux, y causait une sorte de mirage éblouissant.

Cet état durait depuis plusieurs mois, lorsqu'un matin, je sentis tout à coup dans tous mes membres une contraction



et une tension violente, suivies d'un mouvement affreux et convulsif pareil à ceux qui accompagnent ordinairement les transports épileptiques…

Mes éblouissements lumineux revinrent avec plus de force que jamais… je vis d'abord un cercle noir tourner rapidement devant moi, s'agrandir et devenir immense : une lumière vive et rapide s'échappa de l’axe du cercle et remplit de lumière toute 1'étendue.

Je découvrais un horizon sans fin ; de vastes cieux enflammés, traversés par mille fusées volantes qui toutes retombaient éblouissantes en pluie dorée, en étincelles de saphir, d'émeraude et d'azur.

Le feu s'éteignit, un jour bleuâtre et velouté vint le remplacer. Il me semblait que je nageais dans une lumière limpide et douce, suave comme un pâle reflet de la lune dans une belle nuit d'été. Et, voilà que du point le plus éloigné, accourent à moi, vaporeuses, aériennes comme un essaim de papillons dorés, des myriades infinies de jeunes filles nues, éblouissantes de fraîcheur, transparentes comme des statues d'albâtre.

Je m'élançais devant mes Sylphides, mais elle s'échappaient rieuses et folâtres. Leurs groupes délicieux se fondaient un instant dans l’azur et puis reparaissaient plus vifs, plus joyeux. Bouquet charmant de figures ravissantes qui toutes me donnaient un fin sourire, un regard malicieux.


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