C'est une
brochurette, estampillée "Qu'Ohl Lection 41", ce
qui dit assez le nom de son auteur. Ces quatre
pages, 15 cm x 10,5 cm, en noir et blanc,
furent éditées par E. DE N., à lire Eden
et à traduire Ecole de Nulle part. Une école
dont le maître est Pierre Ziegelmeyer.
Après le cabinet de
lecture de Madame Lecœur*, voici donc un autre
cabinet de lecture, imaginaire cette fois :
Au Bouquinoir.
Écriture et lecture se mêlent, Litrongi un
texte peu connu de Cami et la première phrase de
L'Étranger,
le litron pour la dernière tournée et la mort
d'une
mère, puisque
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Comme il se met à
pleuvoir des cordes, je m’abrite à la première boutique
venue, Au Bouquinoir.
On y lit debout : un quart d’heure trois francs
cinquante, une heure douze francs, deux heures vingt
francs. On a dix minutes pour choisir le livre et après,
on paie ou on s’en va. Si on paie, le compteur démarre.
Ayant déniché Litrongi,
de Cami, un tiré à part de vingt-cinq pages de la revue
Pau Potins
(1930), je prends un quart d’heure. Mon voisin lit le
Vicomte de Bragelonne. « Ça fait trente-cinq
fois que je viens… » me souffle-t-il, « j’ai
déjà déboursé plus de six cents balles ! »
Je veux lui dire qu’il aurait pu s’acheter cinq ou six
Vicomte
chez un libraire normal, mais le maître brandit
l’ardoise :
Litrongi est un ivrogne bourguignon. Sa mère est morte un peu avant le début de l’histoire. Il se frotte les mains à l’idée de l’héritage. Mais, la veille des obsèques, il reçoit un télégramme : MÈRE RESSUSCITÉE. VENIR D’URGENCE. LA MORGUE. Litrongi est aux cent coups. Il a largement entamé le magot de la mère ! Il empoche le reste, rafle les bijoux, boucle sa valise et court chez Nicaise. |
LITRONGI.
Je les mets, Nicaise. |
Nicaise revient du coffre-fort. Il boit. Litrongi lui
tend le papier. Ils boivent. Entre l’employé des Pompes
funèbres Meurisaltiennes. Il se fige. Lève les bras au
ciel. Se
précipite sur Litrongi en criant :
L’EMPLOYÉ DES POMPES
Le compteur sonne. Il me reste deux, trois pages. Le
maître m’arrache le livre des mains. En ouvrant la
porte, je me réveille. Et je m’aperçois que j’ai
écrit l’histoire en dormant !!! Dans les
moindres détails !!! J’ajoute deux lignes, pour
authentifier le prodige, et je redors. Au réveil, je
n’ai rien écrit d’autre. Et depuis, j’ai eu beau
dormir cinq cents sommeils : rien ! Si ça
se trouve, je récrirai dans le dernier.
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