Éditions PLEIN CHANT
Apostilles


Michel Ohl et Jean-Pierre Brisset

Pour Michel Ohl
in memoriam

Qu’aurait dit, ou écrit, Michel Ohl s’il avait lu dans l’Anthologie de l’humour noir (André Breton, O.C. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, t. II, 1992, p. 1034), le passage ci-dessous d’un extrait de La Science de Dieu ou la Création de l’homme par Jean-Pierre Brisset (Paris, Chamuel, 1900) ? La séquence, intitulée « Le cœur », est tissée de jeux de mots sur le mot cœur. Jean-Pierre Brisset jouant sur l’étymologie, ayant recours à des homonymes, à l’assonance, donnait au cœur une histoire des plus fantaisistes ; Michel Ohl, joueur de mots lui-même, ne pouvait qu'apprécier.


Que heure ! Que heurt ! Leurre-leur l’heure. L’heure, en donnant le heurt, donne l’heure. C’est avec l’heure qu’on leurrait. Qui avait l’heure était heureux, heure, eux. Tant que l’heure n’était pas venue, on manquait de cœur. Le cœur est aussi : Le qu’eust re, le queue re. Le sexe sous le nom de cœur heurta et donna le premier l’heure. C’est lui qui donne du cœur au ventre. Le queue relevé montrait le cœur élevé. On appelait sans cœur celui qui n’était pas sexué. Le cœur prit l’esprit de chose centrale, de milieu, et ainsi ce mot nomma le centre du royaume du sang ; mais au figuré, le cœur est toujours le sexe. […] l’esprit des sots est choqué de ce que la femme fut prise d’une queue haute ou côté de l’homme.

Grand lecteur et relecteur émérite, attentif à toutes les erreurs typographiques, Michel Ohl, s’il a lu autrefois ce passage fut certainement intrigué, comme nous, en lisant « côté de l’homme », car l’expression rendait le jeu de mots de Brisset incompréhensible.

Allons au texte, La Science de Dieu, 1900, page 173 :



« l’esprit des sots est choqué de ce que la femme fut prise d’une
queue haute ou côte de l’homme. » Côte, et non pas côté.

Mais bien sûr ! Ève, la première femme, dit la Bible, fut créée par Dieu avec une côte du premier homme, Adam. Et le mot côte est à décomposer en la lettre c (prononcée que) et le reste du mot, ôte, à entendre haute.

Ajoutons que l’édition de la Pléiade n’est qu’à moitié fautive, car l’éditeur de L’Anthologie de l’humour noir a reproduit le texte de l’édition procurée par Jean-Jacques Pauvert (1966).


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